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de fer, les jambes enchaînées et les deux pieds joints par une entrave d’un poids énorme. Je me sentais toujours sous l’empire du sortilège. Cependant, mon sang, jusqu’alors figé dans mes veines, commençait à y circuler de plus en plus vivement… Un vague frémissement faisait de temps à autre tressaillir mes membres… Le réveil approchait… Je n’étais pas le seul à frémir : les trois jeunes Gauloises et la matrone, oubliant leur honte et leur désespoir, trouvaient dans leurs cœurs de fille, d’épouse ou de mère, une douloureuse épouvante pour le sort de ces enfants offerts à cet horrible vieillard. Quoique demi-nues, elles ne songeaient plus à se soustraire aux regards licencieux des spectateurs du dehors, et couvaient des yeux avec une sorte de terreur maternelle les deux enfants voilés, tandis que la matrone, liée à un poteau, les yeux étincelants, les dents serrées par une rage impuissante, levait au ciel ses bras enchaînés comme pour appeler le châtiment des dieux sur ces monstruosités…

À un signe du seigneur Trymalcion, les voiles sont tombés… et je vous ai reconnus tous deux… toi, mon fils Sylvest, et ta sœur Siomara…

Lis toujours, mon fils… lis toujours, et attends…

Vous étiez tous deux pâles, amaigris, vous frissonniez d’effroi ; la douleur se lisait sur vos visages baignés de larmes… Les longs cheveux blonds de ma petite fille tombaient sur ses épaules ; elle n’osait lever les yeux, non plus que toi ; vous vous teniez tous deux par la main, serrés l’un contre l’autre… Malgré la terreur qui bouleversait sa figure, je revoyais ma fille dans sa rare et enfantine beauté… beauté maudite ! car, à son aspect, les yeux morts du seigneur Trymalcion s’allumèrent et brillèrent comme des charbons ardents au milieu de son visage ridé, couvert de fard. Il se redressa, tendit vers ma fille ses mains décharnées, comme pour s’emparer de sa proie, et un sourire affreux découvrit ses dents jaunes… Siomara épouvantée se rejeta en arrière et se cramponna à ton cou. Le marchand vous eut bientôt séparés, et la ramena près du vieillard. Celui-ci, repoussant