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disposer… Il a remis le miroir dans sa poche, a pris sur la table une couronne tressée de feuilles de hêtre (E), et m’a dit :

— Baisse la tête.

J’ai obéi… mon maître m’a posé cette couronne sur le front ; ensuite il a pris un parchemin où étaient inscrites plusieurs lignes en gros caractères latins, et, au moyen de deux lacets noués derrière mon cou, il a attaché cet écriteau, qui pendait sur ma poitrine (F) ; il m’a jeté sur les épaules une longue couverture de laine, a ouvert le ressort secret qui attachait ma chaîne à l’extrémité de ma couche ; puis cette chaîne a été fixée par lui à un anneau de fer, que l’on m’avait rivé à l’autre cheville pendant mon lourd sommeil ; de sorte que, quoique enchaîné par les deux jambes, je pouvais marcher à petits pas, ayant de plus les deux mains liées derrière le dos.

D’après l’ordre du maquignon, que j’ai suivi, docile et soumis comme le chien qui suit son maître, j’ai ainsi descendu péniblement, à cause du peu de longueur de ma chaîne, les degrés qui de mon réduit conduisaient au hangar ; là, couchés sur la paille, j’ai retrouvé plusieurs captifs, parmi lesquels j’avais passé ma première nuit ; leur guérison n’était pas sans doute assez avancée pour qu’ils puissent être mis en vente. D’autres esclaves, dont la tête avait été rasée comme la mienne, par surprise ou par force, portaient aussi des couronnes de feuillages, des écriteaux sur la poitrine, des menottes aux mains, de lourdes entraves aux pieds. Ils commencèrent, sous la surveillance des gardiens armés, à défiler par une porte qui s’ouvrait sur la grande place de la ville de Vannes, là se tenait l’encan ; presque tous les captifs me parurent mornes, abattus, soumis comme moi ; ils baissaient les yeux ainsi que des gens honteux de s’entre-regarder. Parmi les derniers, j’ai reconnu deux ou trois hommes de notre tribu ; l’un d’eux me dit à demi-voix, en passant près de moi :

— Guilhern… nous sommes rasés, mais les cheveux repoussent et les ongles aussi !

J’ai compris que le Gaulois voulait me donner à entendre que