Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/56

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour me lever, et je me suis levé en menaçant le maquignon :

— Par Rhita-Gawr ! ce saint des Gaulois qui se faisait, lui, une saie de la barbe des rois qu’il avait rasés, je te tue, si tu oses toucher à un seul cheveu de ma tête !…

— Oh ! oh ! rassure-toi, ami Taureau, — me répondit le maquignon en me montrant un instrument tranchant, — rassure-toi… ce n’est pas un seul de tes cheveux que je couperai… mais tous.

Je ne pus me tenir plus longtemps debout ; vacillant bientôt sur mes jambes comme un homme ivre, je retombai sur ma paille, tandis que le maquignon, riant aux éclats, me disait en me montrant toujours son instrument d’acier :

— Grâce à ceci, ton front sera tout-à-l’heure aussi chauve que celui du grand César, que tu as, dis-tu, emporté tout armé sur ton cheval, ami Taureau… Et le philtre magique que tu as bu dans ce vin des Gaules va te mettre à ma merci, aussi inerte qu’un cadavre.

Et le maquignon disait vrai ; ces paroles ont été les dernières dont je me souvienne… Un sommeil de plomb s’est appesanti sur moi ; je n’ai plus eu conscience de ce que l’on me faisait.

Et cela n’était que le prélude d’une journée horrible, rendue doublement horrible par le mystère dont elle est encore à cette heure enveloppée.

Oui, à cette heure où j’écris ceci pour toi, ô mon fils Sylvest, afin que, dans ce récit sincère et détaillé, où je te dis une à une les souffrances, les hontes infligées à notre pays et à notre race, tu puises une haine impitoyable contre les Romains… en attendant le jour de la vengeance et de la délivrance… oui, à cette heure encore, les mystères de cette horrible journée de vente sont impénétrables pour moi, à moins que je ne les explique par les sortilèges du maquignon, plusieurs de ces gens étant, dit-on, adonnés à la magie ; mais nos druides vénérés affirment que la magie n’existe pas.

Le jour de l’encan, j’ai été éveillé le matin par mon maître, car je dormais profondément : je me suis souvenu de ce qui s’était passé