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près la porte Judiciaire… Mais, chère maîtresse, hâtons-nous, l’heure s’avance ; chaque instant perdu peut être funeste au jeune maître… Oh ! je vous en supplie, tâchez d’ouvrir la porte de la rue.

— Non, pas avant que je t’aie dit au moins où tu pourras trouver un refuge ; il te sera impossible de revenir ici : car je frémis des traitements que te ferait endurer mon mari.

— Quoi ! vous quitter… vous quitter pour toujours…

— Aimes-tu mieux subir un supplice infâme, et de pires tortures peut-être ?

— Je préférerais la mort à tant de honte !

— Mon mari ne te tuera pas, parce que tu vaux de l’argent… Cette séparation est donc indispensable ; elle me coûte beaucoup… parce que jamais, peut-être, je ne retrouverai une esclave en qui j’aie autant de confiance qu’en toi… Mais que veux-tu ? depuis que j’ai entendu les paroles de ce jeune homme, je partage l’enthousiasme qu’il inspire à Jeane ; et si tu consens à tâcher de le sauver…

— En doutez-vous, chère maîtresse ?

— Non ; je sais ton dévouement, ton courage… Voici donc ce qu’il faudrait faire. Si tu peux parvenir à trouver le jeune maître de Nazareth, tu l’avertiras qu’il est trahi par Judas, l’un de ses disciples, et qu’il n’a plus qu’à fuir de Jérusalem pour échapper aux pharisiens ; ils ont juré sa mort !… Jeane pense qu’en se retirant en Galilée, son pays natal, le fils de Marie sera sauvé, car ses ennemis n’oseront pas le poursuivre jusque-là…

— Mais, chère maîtresse, même ici, à Jérusalem, il n’aurait cette nuit qu’à appeler le peuple à sa défense ; ses disciples, dont il est adoré, se mettraient à la tête de la révolte, et tous les pharisiens du monde seraient impuissants à l’arrêter !

— Jeane avait aussi songé à ce moyen : mais, pour qu’il soulève le peuple en sa faveur, il faut que Jésus ou ses disciples soient avertis du danger dont il est menacé.

— Aussi, chère maîtresse, n’avons-nous pas un moment à perdre.