— Geneviève, tu m’accuses, et je ne suis pas cause de ces cruautés !
— Ce n’est pas vous que j’accuse, c’est l’esclavage ; vous êtes douce pour moi. Pourtant, voyez comme l’on me traite !
— En vain, depuis trois jours, je demande ta grâce à mon mari, — reprit Aurélie d’une voix remplie de compassion, — il me l’a refusée ; je l’ai supplié de me laisser venir te voir, il s’est montré impitoyable, il emporte d’ailleurs toujours avec lui la clef de ta prison.
— Et comment vous l’êtes-vous procurée cette nuit ?
— Il avait mis cette clef sous son chevet ; j’ai profité de son sommeil pour la prendre, et je suis venue.
— J’ai bien souffert !… plus de honte encore que de douleur, — reprit Geneviève vaincue par la douceur de sa maîtresse ; — mais vos paroles me consolent.
— Écoute, Geneviève, je ne suis pas seulement ici pour te consoler ; tu peux fuir de cette maison et rendre un grand service au jeune homme de Nazareth… peut-être même lui sauver la vie…
— Que dites-vous, chère maîtresse ? — s’écria Geneviève, songeant moins à sa liberté qu’au service qu’elle pourrait peut-être rendre au fils de Marie. — Oh ! parlez ; ma vie, s’il le faut, pour celui qui dit qu’un jour les fers des esclaves seront brisés !
— Depuis que nous avons passé la nuit hors du logis pour aller entendre les prédications de Jésus, Jeane et moi nous ne nous étions pas revues : le seigneur Chusa l’avait empêchée de sortir de chez elle pour venir ici ; cependant, ce soir, cédant à sa prière, il l’a amenée ici… et pendant qu’il causait avec mon mari, sais-tu ce que Jeane m’a appris ?
— Sur le jeune maître de Nazareth ?
— Oui…
— Hélas ! quelque nouvelle persécution ?
— Il est trahi… On veut l’arrêter cette nuit même et le faire mourir.
— Trahi… lui ! Et par quoi ?