croire… Non, par Hercule ! il me fallait venir en Judée pour voir une pareille énormité !…
— Et moi, qui suis de Judée, seigneur, — reprenait Chusa, — je ne suis non plus que vous habitué à ces énormités… Je savais bien que des mendiants, des voleurs, des courtisanes du plus bas étage, suivaient ce Nazaréen maudit !.. Mais que la colère du Seigneur me frappe à l’instant si j’avais jamais entendu dire que des femmes qui se respectaient avaient eu l’indignité de se mêler à la vile populace que cet homme traîne à sa suite en tout pays, vile populace qui tout à l’heure nous lapidait, sans la vaillance de notre attitude ! — ajouta le seigneur Chusa d’un air conquérant.
— Oui… heureusement, nous avons imposé à ces misérables par notre courage, — reprit le seigneur Grémion ; — sinon c’était fait de nous… Ah ! vous disiez vrai… voilà une nouvelle preuve des haines et des ressentiments que produisent les prédictions incendiaires de ce Nazaréen ; il ne songe qu’à exciter les pauvres contre les riches !
— Le jeune maître n’a-t-il pas, au contraire, calmé la fureur de la foule ? — dit la douce et ferme voix de Jeane. — N’a-t-il pas dit : Laissez aller en paix ces hommes, et qu’ils ne pèchent plus ?…
— Est-ce assez d’audace ? — s’écria Chusa en s’adressant à Grémion. — Vous entendez ma femme ? Ne dirait-on pas que l’on ne peut maintenant aller en paix sur les chemins qu’avec la permission du Nazaréen… de ce fils de Belzébuth ! et que, si nous avons échappé aux fureurs de ces scélérats, c’est grâce à la promesse qu’il leur a faite que nous ne pécherions plus… Par les colonnes du saint temple !… est-ce assez d’impudence !…
— Le jeune maître de Nazareth, — reprit Jeane, — ne peut répondre de ce qui se dit et se fait en son nom… La foule s’était injustement émue contre vous… D’un mot il l’a apaisée… que pouvait-il faire davantage ?…
— Voilà du nouveau !… — s’écria le seigneur Chusa. — Et de quel droit ce Nazaréen calme-t-il ou soulève-t-il à son gré le populaire ?…