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À ces mots du fils de Marie, la tempête populaire s’apaisa comme par enchantement… La foule se calma, devint silencieuse, et, par un mouvement spontané, s’écarta pour laisser libre passage aux cavaliers et à leur escorte… Alors Jeane et Aurélie parvinrent à rejoindre leurs maris.

À la vue de sa femme, le seigneur Grémion dit à Chusa d’un air irrité :

— J’en étais sûr !… J’avais reconnu ma femme…

— Et la mienne aussi l’accompagne ! — s’écria Chusa non moins en colère. — Et, comme elle, sous un déguisement… C’est l’abomination de la désolation !…

— Rien ne manque à la fête, — ajouta Grémion ; — voici l’esclave de ma femme…

Jeane, toujours douce et calme, dit à son mari :

— Seigneur, faites-moi place ; je monterai en croupe sur votre cheval pour regagner le logis.

— Oui… — reprit Chusa en serrant les dents de colère, — vous allez regagner le logis avec moi… Mais, par les colonnes du temple ! vous ne le quitterez plus désormais sans moi…

Jeane ne répondit rien, tendait la main à son mari pour qu’il l’aidât à monter en croupe : d’un léger bond elle s’assit sur le cheval.

— Montez aussi en croupe derrière moi, — dit Grémion à sa femme d’un air courroucé. — Votre esclave Geneviève… et, par Jupiter ! elle payera cher sa complicité dans cette indignité ! votre esclave Geneviève se tiendra en croupe derrière un des cavaliers de l’escorte.

Il en fut ainsi, et l’on suivit la route de Jérusalem.

Le cavalier qui portait Geneviève en croupe suivant de près les seigneurs Grémion et Chusa, l’esclave entendit ceux-ci gourmander rudement leurs femmes.

— Non, par Hercule !… — s’écriait le Romain, — retrouver ma femme déguisée en homme au milieu de cette bande de gueux en haillons, de vagabonds et de séditieux scélérats !… c’est à n’y pas