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LES MYSTÈRES DU PEUPLE.

— Et ce sera justice, — dit Oliba la courtisane ; — ne sont-ce pas ceux-là qui nous forcent de vendre notre corps pour échapper aux grincements de dents que cause la faim ?…

— Ne sont-ce pas ceux-là qui forcent les mères à trafiquer de leurs enfants plutôt que de les voir mourir de misère ? — dit une autre courtisane.

— Oh ! quand viendra-t-il donc le jour de la justice ?

— Il vient, il approche, — répondit Pierre d’une voix éclatante ; — car le mal, l’iniquité, la violence sont partout, non-seulement ici, en Judée, mais dans le monde entier, qui est le monde romain… Oh ! les maux d’Israël ne sont rien, non, rien auprès des maux affreux qui accablent les nations ses sœurs !… L’univers entier se lamente et saigne sous le triple joug de la férocité, de la débauche et de la cupidité romaines !… D’un bout de la terre à l’autre, depuis la Syrie jusqu’à la Gaule opprimée, l’on n’entend que le bruit des chaînes et les gémissements des esclaves écrasés de travail ; malheureux entre les malheureux, ils suent le sang par tous les pores !… Plus à plaindre que l’animal des bois mourant dans sa tanière, ou que l’animal de labour mourant sur sa litière, ces esclaves, on les torture, on les tue, on les livre par plaisir à la dent des bêtes féroces !  !  ! De vaillants peuples, comme les Gaulois veulent-ils briser leurs fers, on les noie dans leur sang ; et moi, je vous le dis en vérité, au nom de Jésus notre maître, oui, je vous le dis en vérité, cela ne peut pas durer…

— Non… non, — s’écrièrent plusieurs voix ; — non, cela ne peut pas durer.

— Notre maître est attristé, — continua le disciple, — oh ! attristé jusqu’à la mort en songeant aux maux horribles, aux vengeances, aux épouvantables représailles que tant de siècles d’oppression et d’iniquité vont déchaîner sur la terre… Avant-hier, à Bethléem, le maître nous disait ceci :

« Lorsque vous entendrez parler de guerres et de séditions, ne