loi se servaient pour épier les paroles du Nazaréen et le faire tomber dans le piège d’une confiance imprudente.
Jeane, plus hardie que son amie, lui avait frayé le passage à travers la foule ; avisant une table inoccupée, placée dans l’ombre et derrière un des piliers des galeries, la femme du seigneur Chusa s’y établit avec Aurélie, et demanda un pot de cervoise à l’une des filles de la taverne, tandis que Geneviève, debout à côté de sa maîtresse, ne perdait pas de vue les deux émissaires des pharisiens et écoutait avidement tout ce qui se disait autour d’elle.
— La nuit s’avance, — dit tristement une femme jeune et belle encore à l’une de ses compagnes attablée devant elle, et dont les joues étaient, comme les siennes, couvertes de fard, selon la coutume des courtisanes. — Jésus de Nazareth ne viendra pas ce soir.
— C’est bien la peine de venir ici, — reprit l’autre d’un ton de reproche ; — nous aurions dû aller nous promener aux environs de la piscine ; et là, quelque centenier romain à moitié ivre, ou quelque docteur de la loi rasant les murailles, le nez sous le manteau, nous eût donné à souper. Il ne faudra donc pas te plaindre, Oliba, si nous nous couchons sans avoir mangé, tu l’auras voulu.
— Ce pain me semble maintenant si amer, que je ne le regrette pas…
— Amer ou non… c’est du pain… et quand on a faim… on le mange…
— En écoutant les paroles de Jésus, — répondit doucement l’autre courtisane, — j’aurais oublié ma faim…
— Oliba, tu deviens folle… Se nourrir avec des mots…
— C’est que les paroles de Jésus disent toujours : pardon, miséricorde et amour… et jusqu’ici l’on n’avait pour nous que des paroles d’aversion et de mépris !
Et la courtisane resta pensive, son front appuyé sur sa main.
— Tu es une singulière fille, Oliba ! — reprit l’autre. — Enfin, si