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jeunes filles, lui ont pris les mains et les ont pieusement baisées.

À ce moment, les dernières faux, abandonnées par les Gauloises, tombaient sous les coups des Romains… Ma mère saisit une épée d’une main, de l’autre un voile blanc, s’avance vers le devant du chariot, et, agitant le voile blanc, jette l’épée loin d’elle, comme pour annoncer à l’ennemi que toutes les femmes voulaient se rendre prisonnières. Cette résolution me surprit et m’effraya ; car, pour ces jeunes vierges et ces jeunes femmes si belles, se rendre… c’était aller au-devant de l’esclavage et des derniers outrages, plus affreux que la servitude et la mort !… Les soldats, d’abord étonnés de la reddition proposée, répondirent par des rires de consentement ironique. Margarid paraissait attendre un signal ; par deux fois elle jeta les yeux avec impatience vers le réduit où se trouvaient nos enfants, et où étaient entrées ma femme et celle de mon frère. Le signal désiré par ma mère ne venant pas, elle voulut sans doute détourner l’attention de l’ennemi, et agita de nouveau son voile blanc en montrant tout à tour la ville de Vannes et la mer.

Les soldats, ne comprenant pas la signification de ces gestes, se regardent et s’interrogent… Alors, ma mère, après un nouveau coup d’œil vers le réduit où avaient disparu Hénory et Martha, échange quelques mots avec les jeunes filles qui l’entouraient, saisit un poignard, et, avec la rapidité de l’éclair, frappe l’une après l’autre trois des vierges placées près d’elle, et qui, entr’ouvrant leur robe, avaient vaillamment offert au couteau leur chaste sein… Pendant ce temps, les autres jeunes Gauloises s’étaient entre-tuées d’une main prompte et sûre… Elles roulaient au fond du char, lorsque Martha, la femme de mon frère, sortit du réduit où l’on avait caché les enfants pendant la bataille : fière et calme, Martha tenait ses deux petites filles dans ses bras… Un timon de rechange dressé à l’avant-train, où se tenait Margarid, s’élevait assez haut… D’un bond, Martha s’élance sur le rebord du char… et seulement alors je remarque qu’elle avait le cou entouré d’une corde ; le bout de cette corde, Mar-