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LES MYSTÈRES DU PEUPLE.

soulever vos populations contre notre pouvoir à nous, Romains ?… Qu’est-il arrivé ?… Ce Judas-là a été mis à mort, et il en serait de même de ce jeune homme de Nazareth, s’il s’avisait de souffler la rébellion !

— Sans doute, seigneur, — reprit Caïphe, le prince des prêtres, — le Nazaréen n’est pas le premier fourbe qui se soit donné pour le Messie que nos saintes Écritures annoncent depuis tant de siècles. Depuis cinquante ans, pour ne parler que des faits récents, nous avons eu, parmi les faux messies, Jonathas, et, après lui, Simon le magicien, surnommé la grande vertu de Dieu ; puis Barkokebah, le fils de l’Étoile[1], et tant d’autres prétendus imposteurs, prétendus messies ou sauveurs et régénérateurs du pays d’Israël !… Mais aucun de ces fourbes n’a eu l’influence du Nazaréen, et surtout son infernale audace ; ils n’attaquaient pas, comme lui, avec acharnement, les riches, les docteurs de la loi, les prêtres, la famille, la religion, enfin tout ce qui doit être respecté, sous peine de voir Israël tomber dans le chaos… Ces autres imposteurs ne s’adressaient pas surtout et incessamment comme le Nazaréen, à cette lie de la populace dont il dispose d’une façon redoutable ; car enfin, dernièrement encore, le seigneur Baruch, las des outrages publics dont le Nazaréen poursuivait les pharisiens, c’est-à-dire les personnes les plus respectables de Jérusalem qui professent l’opinion pharisienne, si honnête, si modérée en toutes choses, le seigneur Baruch, dis-je, voulut faire emprisonner le Nazaréen ; mais l’attitude de la populace devint si menaçante, que mon noble ami Baruch n’osa pas donner l’ordre d’arrêter ce mauvais homme[2]. Ainsi donc, seigneur Ponce-Pilate, vous disposez d’une force armée considérable ; si vous ne venez point à notre aide, à nous qui ne disposons que d’une faible milice, dont une par-

  1. Voir dom Calmet, dissertations sur les faux messies.
  2. Les pharisiens cherchaient les moyens d’arrêter Jésus, car ils virent bien que c’était d’eux qu’il voulait parler, mais ils craignirent le peuple. C’est pourquoi, le laissant là, ils se retirèrent. (Évangile selon saint Marc, ch. XI, v. 12.)