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LES MYSTÈRES DU PEUPLE.

De nouvelle clameurs se soulevèrent au récit des nouveaux méfaits du Nazaréen.

— C’est une intolérable tyrannie !…

— Il faut pourtant en finir avec de pareilles indignités !…

— C’est le pillage organisé !…

— Aussi, — reprit le banquier Jonas, — le seigneur Baruch a parfaitement raison de dire : C’est droit au chaos que nous mène le Nazaréen, pour qui rien n’est sacré ; car, je le répète, non content de vouloir détruire la loi, l’autorité, la propriété, la religion, il veut, pour couronner son œuvre infernale, détruire la famille !…

— Mais c’est donc votre Belzébuth en personne ? — s’écria le seigneur Grémion. — Comment, mes seigneurs, ce Nazaréen voudrait anéantir la famille !

— Oui… l’anéantir en la divisant, — reprit Caïphe, — l’anéantir en semant la discorde et la haine dans le foyer domestique, en armant le fils contre le père ! les serviteurs contre leurs maîtres !

— Seigneur, — reprit Grémion d’un air de doute, — un projet si abominable peut-il entrer dans la tête d’un homme ?…

— D’un homme… non, — reprit le prince des prêtres, — mais d’un Belzébuth, comme ce Nazaréen ; en voici la preuve : d’après le rapport irrécusable des émissaires dont je vous ai parlé, ce maudit a prononcé, il y a huit jours, les horribles paroles que voici, parlant à cette bande de gueux qui ne le quitte pas :

— « Ne croyez point que je sois venu vous apporter la paix sur terre ; j’ai apporté l’épée ; je suis venu mettre le feu sur la terre, et tout mon désir est qu’il s’allume ; c’est la division, je vous le répète, et non la paix, que je vous apporte ; je suis venu jeter la division entre le père et le fils, la fille et la mère, la belle-fille et la belle-mère ; les propres serviteurs d’un homme se déclareront ses enne-

    sière même de votre ville qui s’est attachée à nos pieds. Sachez que le royaume de Dieu est proche de vous. — Je vous assure qu’en ce grand jour Sodome sera traitée moins rigoureusement que cette ville-ci. » (Évangile selon saint Luc, ch. XI., v. 3 à 12.)