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LES MYSTÈRES DU PEUPLE.

de ces sacrilèges ou en rougisse… loin de là, il blasphème à ce point de dire qu’il se moque du sabbat et que ceux qui l’observent sont des hypocrites[1] !…

Un murmure général d’indignation accueillit les paroles du prince des prêtres, tant l’impiété du Nazaréen semblait abominable aux convives de Ponce-Pilate. Mais celui-ci, vidant coupe sur coupe, ne paraissait plus s’occuper de ce qui se disait autour de lui.

— Non, seigneur Caïphe, — reprit le banquier Jonas d’un air consterné, — si ce n’était vous qui m’affirmiez de telles énormités, j’hésiterais à les croire.

— Je vous parle pertinemment, car j’ai eu l’idée, heureuse, je crois, d’aposter près du Nazaréen des gens très-rusés qui ont l’air d’être ses partisans ; ils le font ainsi parler ; il se livre alors sans défiance, cause avec nos hommes à cœur ouvert, et puis… ceux-ci viennent aussitôt tout nous rapporter[2].

— C’est une excellente imagination que vous avez eue là, seigneur Caïphe, — dit le banquier Jonas. — Honneur à vous !…

— C’est donc grâce à ces émissaires, —reprit le prince des prêtres, — que j’ai été instruit qu’avant-hier encore ce Nazaréen a pro-

  1. « Mais le chef de la synagogue, indigné de ce que Jésus avait fait une guérison le jour du sabbat, dit au peuple : — Il y a six jours destinés au travail ; venez donc ces jours-là pour être guéris, et non pas au jour de sabbat. — Mais Jésus leur répondit (aux princes des prêtres) : Hypocrites, y a-t-il quelqu’un de vous qui ne délie son bœuf ou ton âne le jour du sabbat, et qui ne le tire de l’étable pour le mener boire ? (Évangile selon saint Luc, ch. XIII, V. 14-15.)
  2. Comme ils ne cherchaient que l’occasion de perdre Jésus (les docteurs et les princes des prêtres), ils lui envoyèrent des personnes apostées, qui contrefaisaient les gens de bien, pour le surprendre dans ses paroles, afin de le livrer au magistrat et au pouvoir du gouverneur. (Évangile selon saint Luc, ch. XX, v. 20.)
    M Dupin a fait à ce sujet la réflexion suivante : « Qui ne sera surpris de retrouver ici l’odieux emploi des agents provocateurs ? On va juger si je n’ai pas employé le nom propre en qualifiant ainsi les émissaires que les princes des prêtres dépêchèrent autour de Jésus. » (Jésus devant Caïphe et Pilate, p. 39, par Dupin aîné.)