Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/241

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Sacrovir, Gaulois du Nivernais, fut l’âme de cette insurrection, parcourant les conciliabules secrets, envoyant des émissaires de concert avec les druides, montrant l’Italie elle-même subissant avec impatience le joug de Tibère ; il croyait le moment venu, ou jamais, de recouvrer la liberté des Gaules (L). Une grande conjuration s’organisa ; Sacrovir en fut le chef et la dirigea avec une extrême circonspection. Il ne fallait, selon lui, rien brusquer, et attendre que toutes les cités conjurées fussent en mesure d’agir. Malheureusement, les Gaulois d’Anjou et de Touraine s’insurgèrent trop tôt ; ce commencement de révolte, n’étant pas appuyé, fut aussitôt comprimé : les riches Gaulois, ralliés aux Romains, se joignirent à eux pour châtier, disaient-ils, l’ingratitude des rebelles qui avaient l’audace de se soulever contre l’auguste empereur Tibère, le protecteur des Gaulois (M). Sacrovir avait toujours combattu au premier rang, sans casque et la poitrine découverte (N). Mais ses partisans, écrasés par le nombre, se débandèrent ; entraîné par la fuite de ceux qu’il avait soulevés, il se réfugia dans Autun, tenta d’insurger cette ville contre les Romains… Le peuple et les magistrats, découragés et craignant les vengeances de Tibère, menacèrent Sacrovir de le livrer aux Romains… Alors il se rendit avec plusieurs de ses amis dans sa maison de campagne, voisine de la ville ; ils y mirent le feu par en bas ; puis, montant sur la terrasse qui la surmontait, ils s’attablèrent, vidèrent une dernière coupe à la délivrance de la Gaule, dont ils ne désespéraient pas, et lorsque l’incendie commença d’envahir la terrasse où buvaient Sacrovir et ses amis, tous se poignardèrent et s’abîmèrent dans les flammes, offrant, comme nos aïeux, leur sang en holocauste à Hésus (O).

Gaulois, je déplorai la mort de ces vaillants ; mais je me dis avec découragement (que mes aïeux me le pardonnent encore !) : « C’en est fait à jamais de la liberté de notre pauvre pays, puisque depuis le chef des cent vallées, l’hôte de mon aïeul Joel, tant de héros ont en vain sacrifié leur sang généreux !… »