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tachait ses regards avec une anxiété croissante, tout-à-coup, Siomara reconnut Sylvest, s’élança vers la grille, et saisissant de ses mains les mains de l’esclave attachées aux barreaux, elle s’écria en gaulois, d’une voix très-émue et de grosses larmes dans les yeux :

— Toi, frère !… toi condamné !… toi ici !…

— Oui… je vais mourir… Fassent les Dieux que tu meures aussi ! et, avant ce soir, nous aurons rejoint ceux des nôtres qui nous ont précédés dans les mondes inconnus… Puissent Hésus et nos parents te pardonner comme je te pardonne !…

— Confiante en ta promesse, je t’attendais… Ah ! malheur à moi d’avoir cru ta parole !… tu serais libre à cette heure !…

— C’est pour fuir cette liberté honteuse que j’ai voulu mourir.

Siomara, d’abord émue et effrayée, redevint souriante, presque joyeuse, et dit à son frère :

— Écoute… approche ton oreille…

Il obéit machinalement, et elle lui dit tout bas :

— Frère, tu ne mourras pas… Faustine, par un sortilège, va tomber sous mes coups… Diavole est là… il peut d’un mot t’arracher au supplice… Ce mot, il va le dire… après la mort de Faustine… Courage, frère… ce soir nous souperons ensemble, et tu seras libre !

Puis Siomara, de plus en plus souriante, fit un signe d’intelligence à son frère, lui envoya du bout des doigts un baiser d’adieu, et courut rejoindre Faustine et Mont-Liban, au bruit d’un murmure de surprise causé dans l’amphithéâtre par ce court entretien de la belle Gauloise avec un esclave condamné.

Lorsque Siomara revint près de Mont-Liban, celui-ci de plus en plus pâle et troublé, ne tenait plus qu’une épée à la main ; sa figure stupide peignait à la fois l’embarras, la douleur et l’effroi…

— Mon épée… — lui dit Siomara.

Le gladiateur parut faire un violent effort sur lui-même, et, malgré un geste de Faustine bref et menaçant, il repoussa du geste la main