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l’enfant élevé par Trymalcion, la célèbre courtisane, la magicienne empoisonneuse, la hideuse et sacrilège profanatrice des tombeaux, conservait ces dehors ingénus et charmants ?

Les deux femmes avaient lentement traversé l’arène pour se joindre à l’endroit où les attendait Mont-Liban, tenant les courtes épées. Le plancher à claire-voie recouvrant le bassin du crocodile, et occupant le milieu du cirque, n’ayant sans doute pas paru une place propice au combat, le gladiateur avait choisi un endroit si voisin de la voûte grillée où les esclaves attendaient la mort, que, Faustine et Siomara s’étant rapprochées de Mont-Liban, Sylvest était à peine éloigné de sa sœur de quelques pas. Cédant à un mouvement involontaire, il se rejeta dans l’ombre de la voûte, afin d’échapper aux regards de Siomara ; mais un mélange de tendresse, d’épouvante et de curiosité terrible le ramena bientôt devant la grille. Une puissance au-dessus de la volonté le retenait là ; il put ainsi observer attentivement la figure de Mont-Liban. À ses airs de brutalité fanfaronne et effrontée avait succédé une émotion visible. Pâle, troublé, une épée dans chaque main, de la gauche il offrait une arme à Faustine, et de la droite une arme à Siomara ; mais ses mains tremblèrent si fort au moment où les deux femmes s’apprêtaient à prendre les épées qu’il leur tendait, que ce tremblement et l’angoisse croissante du gladiateur n’échappèrent pas à Faustine ; elle jeta sur lui un de ses profonds et noirs regards, réfléchit un instant, puis, écartant du geste l’épée qui lui était offerte, elle voulut prendre l’autre.

— Non ! — dit Mont-Liban en reculant presque effaré d’un pas en arrière, — non… pas celle-ci.

— Pourquoi non ? — demanda Faustine d’un air de sombre défiance.

— Parce que, juge du combat, — balbutia le géant, — il m’appartient de donner les armes…

Tout à coup, inattentive à ce débat, car, avant qu’il eût commencé, les yeux tournés vers le souterrain des esclaves, elle y at-