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visage ; il s’était prudemment bardé de fer : hausse-col, cuirasse, brassards, gantelets, cuissards, jambards, bottines à écailles de fer ; on aurait dit une tortue dans sa carapace ; ployé sous le poids de cette lourde armure, il marchait difficilement, et portait de plus un complet arsenal, sans parler de son bouclier doré, ayant pour emblème un lion peint de vives couleurs, tenant dans sa patte droite une devise où l’on voyait écrit en grosses lettres le nom de Siomara. N’ayant pas renoncé à son amour pour la belle Gauloise, il espérait sans doute la toucher en faisant montre de courage dans ce spectacle où elle devait aussi combattre.

Norbiac tenait à la main une longue épée, et avait à sa ceinture d’un côté un poignard, de l’autre une hache d’armes et une masse à pointes aiguës. À peine se fut-il remis de l’ébranlement causé par son faux pas, que l’on s’aperçut, à l’embarras et à l’hésitation de sa marche, que les trous de sa visière, percés trop bas sans doute, pouvaient à peine lui servir à se conduire, car il essaya deux ou trois fois, mais en vain, de rehausser cette visière au bruit des rires de la foule.

L’esclave destiné à combattre Norbiac était entré par l’autre porte de l’arène : sauf son tablier de gladiateur, aucun vêtement, aucune armure ne le couvrait ; pour seule défense, il tenait à la main un large sabre de fer-blanc, véritable jouet d’enfant, et paraissait d’ailleurs jeune, agile et vigoureux. Le héraut d’armes et les buccinateurs donnèrent le signal de l’attaque… Norbiac, couvrant de son bouclier son corps déjà défendu par son épaisse cuirasse, fit tournoyer sa longue épée autour de lui, se tenant sur la défensive. L’esclave, armé d’un glaive inutile, restait hors de portée des coups de son adversaire, attendant, pour l’étreindre corps à corps, que Norbiac, peu familier au maniement d’une pesante épée, eût le bras lassé. En effet, déjà le tournoiement du glaive se ralentissait, et, de toutes parts, surtout des gradins supérieurs, on entendait des huées, des quolibets :

— Ce moulin-à-bras va s’arrêter ! criaient les uns.