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pendant que les servants de l’amphithéâtre, au moyen de longs râteaux, mêlaient au sable le sang de l’arène…

À ce moment, les bêtes féroces, de plus en plus animées par la vue de ce long carnage ainsi que par la chaude et forte odeur du sang, ont redoublé de rugissements, bondissant avec furie dans leurs cages dont elles ébranlaient les barreaux avec leurs pattes énormes. À ces rugissement des animaux, dont ils allaient être la proie, Sylvest et les esclaves gaulois ont répondu par ce refrain des bardes en secouant leurs chaînes :

Oh !… coule… coule… sang du captif ! — Tombe, tombe, rosée sanglante !… — Germe, grandis, moisson vengeresse !…

Il y eut alors un entr’acte à la fête romaine.

Pendant cette interruption, Sylvest et les esclaves jetèrent les yeux sur le seigneur Diavole et sur ses amis ; tous continuaient de se montrer joyeux et animés. Diavole avait été l’un des plus obstinés à refuser la vie, même aux gladiateurs libres qui, blessés, demandaient grâce aux spectateurs d’un geste suppliant.

Cependant, Sylvest remarqua que, sans doute grâce aux lents et sûrs effets du poison de Quatre-Épices, la vive rougeur du visage de son maître, excité par le vin et par la vue de cette fête sanglante, commençait à s’effacer, surtout au front, au nez, au menton, qui devenaient d’un blanc de cire. La même altération s’observait sur les traits des autres jeunes seigneurs ; ceux-ci, d’ailleurs, ne se montraient ni moins bruyants ni moins gais que Diavole ; car, la comédie ayant pour quelques instants succédé à la tragédie, tous accueillirent avec de grands éclats de rire l’apparition de leur ami Norbiac, qu’un faux pas avait fait trébucher à son entrée dans l’arène.

Ce Gaulois ridicule et lâche, objet des railleries de tous par sa suffisance et sa sottise, ayant ouï dire qu’à Rome les seigneurs à la mode combattaient parfois en gladiateurs, voulait, par vanité, les imiter. Coiffé d’un casque d’acier ayant pour cimier une chimère dorée d’une hauteur démesurée, sa visière baissée ne laissait pas voir son