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sieurs places avaient été réservées jusqu’alors. Sylvest les vit bientôt occupées par son maître Diavole et par plusieurs jeunes seigneurs de ses amis, vêtus, comme lui, avec magnificence, et, comme lui, sortant d’un festin prolongé, car ils portaient à la main de gros bouquets de roses. L’entrée bruyante de ces jeunes gens, leurs éclats de voix, leurs rires prolongés, l’animation de leurs traits, annonçaient leur demi-ivresse. Le seigneur Diavole, penché sur la balustrade, examina longtemps l’aspect de l’amphithéâtre, saluant de côté et d’autre ; puis, comme il se trouvait placé juste en face de l’endroit où se tenaient les condamnés aux bêtes, et que Sylvest était debout derrière les barreaux de la voûte, Diavole ayant par hasard jeté les yeux de ce côté, reconnut son esclave, le désigna du geste à ses amis, et redoubla d’éclats de rire en lui montrant le poing.

Il est au ciel des dieux vengeurs ! Au moment où Diavole insultait ainsi au sort de son esclave, celui-ci entendit prononcer son nom derrière lui parmi ses compagnons ; il prêta l’oreille : une voix disait en langue gauloise :

— Il doit y avoir parmi nous un camarade du nom de Sylvest… comment ne répond-il pas ? Voici plusieurs fois que je l’appelle… Est-il sourd ?… Sylvest !… Sylvest !…

— Je suis là, — reprit l’esclave ; — je suis auprès de la grille ; je ne veux pas quitter ma place ; viens à moi si tu veux me parler…

Il vit, au bout de quelques instants, s’approcher de lui un des condamnés, marqué au front comme fugitif, et jeune encore, qui lui dit à voix basse en langue gauloise :

— Tu te nommes Sylvest ?

— Oui.

— Esclave chez Diavole, tu avais pour compagnon un cuisinier surnommé Quatre-Épices ?

— Oui.

— Quatre-Épices m’a chargé pour toi d’une bonne nouvelle ; je