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aussi sont très-fermes devant la mort, tandis que les autres, sauf vous, Gaulois, ont vu arriver le soir de ce jour-ci avec une terreur croissante ou un désespoir farouche ; vous autres, au contraire, vous ne sourcillez point ; plusieurs même font, comme toi, les plaisants. Mon fils, d’où vient cela ? par Hercule !

— C’est que nos Dieux et leurs druides nous ont appris que l’on ne meurt jamais.

— Toujours plaisant, mon fils !… Comment, lorsque, dans quelques heures, tes os craqueront sous la dent des bêtes féroces… lorsque ton corps sera déchiré en lambeaux, tu ne mourras pas ?

— Le corps meurt-il parce que les vêtements dont on le couvre s’usent et se remplacent ? non : les vêtements passent, le corps reste… Il en est ainsi de notre vie… elle est éternelle… et change d’enveloppe comme nous changeons de vêtements… À peine, ce soir, le dernier lambeau de mon vêtement de chair sera-t-il déchiré par les bêtes féroces, que, prenant un corps nouveau, comme l’on prend un vêtement nouveau, j’irai continuer de vivre dans des mondes inconnus, où je retrouverai ceux que j’ai aimés ici.

L’invalide regarda Sylvest d’un air surpris hocha la tête et dit :

— Si vous croyez cela, vous autres Gaulois, le courage vous est facile ; je ne m’étonne plus que vous soyez des enragés à la bataille… Ainsi, tu ne veux pas faire honneur au repas libre ?

— Non…

— Tu as tort… J’ai toujours ouï dire que l’agonie d’un homme à ventre vide dure plus longtemps que celle d’un homme à ventre plein… Mais, fais à ta guise… Au soleil couché, je te viendrai chercher ; tu pourras, du moins, te vanter d’avoir assisté à l’un des plus beaux spectacles du monde : d’abord, combat de huit couples de gladiateurs à cheval, gladiateurs de métier, ceux-là ; puis vingt-cinq couples de gladiateurs esclaves, forcés de combattre jusqu’à la mort ; ensuite, le jeune et riche seigneur Norbiac paraîtra dans le cirque.

— Pour se battre… le seigneur Norbiac ?… Et contre qui ?…