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je à la belle Gauloise, — que tu ne peux faire un choix plus lucratif qu’en prenant ce jeune imbécile et son or… Quant à mon maître, le seigneur Diavole, crois-moi, ferme-lui ta porte : ce noble fripon te grugerait ; témoin Fulvie, la noble dame, Bassa, la joueuse de flûte, et tant d’autres pauvres sottes qu’il a mises sur la paille… » La belle Gauloise a écouté mes conseils fraternels ; vous en aurez la certitude si vous allez frapper à son logis… Ne pensez pas que je plaisante, seigneur ; non, cette fois, ainsi que tant d’autres, je ne m’amuse pas de votre stupide crédulité… J’ai dit… et je dis sincèrement ce que je pense de vous, ô méprisable seigneur ! ô maître plus infâme que le dernier des misérables !…

Diavole, quoique habitué aux réparties affrontées de son esclave, ne l’interrompit pas d’abord, croyant sans doute qu’après ces insolences, dites en manière de contre-vérité, Sylvest chercherait à excuser sa faute… Mais, Diavole, détrompé par les dernières paroles de son valet, ne put contenir sa fureur, saisit un escabeau orné de sculptures de bronze, s’élança, et levant ce meuble des deux mains, il allait briser d’un coup la tête de l’esclave, qui, impassible et plein d’espoir, attendait la mort… Cependant, se ravisant, et tenant toujours l’escabeau suspendu, Diavole s’écria :

— Oh ! non… je ne veux pas te tuer là… non… tu ne souffrirais pas assez…

Sylvest vit avec chagrin sa dernière espérance déçue ; il ne se rebuta point encore. Ses mains étaient garrottées, mais il avait les jambes libres ; aussi profita-t-il de cette liberté pour donner au seigneur Diavole un si furieux coup de pied dans le ventre, qu’il alla rouler à quelques pas de là en criant à l’aide et au meurtre.

— À cette heure, — pensa Sylvest, — il ne peut manquer de me tuer ; je ne devrai pas la liberté à l’infamie de Siomara, et je serai à l’abri de ses sortilèges ; ils me poursuivraient sans cesse… je finirais pas en être victime…

Aux cris du seigneur Diavole, les deux soldats et quelques esclaves,