— Tu l’avoues !… c’était toi qui as fait périr cette enfant de seize ans par une mort affreuse, afin de tromper Faustine…
— Oui, — reprit Siomara d’un air inspiré, — oui, cette esclave est morte pour mes sortilèges… car ce que m’a révélé son agonie, Faustine, abusée par mes trompeuses paroles, l’ignore… et moi, dans ces traces laissées par une main agonisante, j’ai lu des choses mystérieuses qui m’ouvrent l’avenir… Oui, cette esclave est morte comme d’autres sont mortes et mourront encore !!! L’agonie nous livre des secrets certains et redoutables. Le trépas renferme des trésors pour qui les sait découvrir. Aussi, je cherche… je cherche, — ajouta-t-elle d’un air de plus en plus inspiré, — je cherche, j’interroge tout, car tout possède une puissance magique ! La fleur croissant dans les fentes du tombeau, le sang figé dans les veines d’une jeune vierge, la direction que l’air imprime à la flamme d’un flambeau funèbre, le bouillonnement des métaux en fusion, le rire de l’enfant qui joue avec le couteau dont il va être frappé, le rire sardonique du supplicié sur la croix, j’interroge tout… je cherche, je cherche… j’ai trouvé… je trouverai plus encore !
— Que cherches-tu ? — s’écria Sylvest éperdu, — que trouveras-tu ?
— L’inconnu !!! le pouvoir magique de vivre à la fois dans le passé… dans l’avenir… et de soumettre le présent à mes volontés… le pouvoir de franchir l’air comme l’oiseau… l’onde comme le poisson ; de changer les feuilles sèches en pierreries… le sable en or pur, le pouvoir de prolonger éternellement ma beauté, ma jeunesse, le pouvoir de revêtir toutes les formes… Oh ! devenir à mon gré fleur des bois pour sentir mon calice inondé de la rosée des nuits, tressaillir sous les baisers des petits génies, nocturnes amants des fleurs… devenir lionne au désert pour attirer les grands lions par mes rugissements… couleuvre argentée, pour m’enlacer aux noirs serpents et nous abriter sous les grandes feuilles du lotus à fleurs bleues, qui borde les eaux dormantes… tourterelle au cou d’iris et au bec rose, pour nicher dans la mousse avec les oiseaux chéris de Vénus !…