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larmes de tout à l’heure ? Et, pourtant, cette transfiguration était vraie comme les pleurs que j’ai versés devant toi, et qui te semblent inexplicables.

Au souvenir de ce sortilège dont il avait été témoin, l’esprit de Sylvest se troubla de nouveau. Folle ou non, sa sœur était sorcière, un de ces monstres, l’horreur de la nature, des hommes et des dieux. Il voulut tenter une dernière et redoutable épreuve. Se contraignant, il reprit :

— Pauvre insensée ! si tu es véritablement magicienne, dis, qu’as-tu fait la nuit précédente ? Où es-tu allée ?

— Chez Faustine… dans le temple sur le canal.

— Comment étais-tu vêtue ?

— Ainsi que je l’étais cette nuit à l’heure où je suis sortie pour mes enchantements.

— Non, non, — s’est écrié Sylvest, éperdu, voyant sa dernière espérance lui échapper ; — non, ce n’était pas toi, car la magicienne a prédit à Faustine que Siomara serait sa victime. Aurais-tu fait cette prédiction contre toi-même ?

— Qui t’a instruit de cela ?

— Oh ! prédiction horrible !… déchiffrée par toi ou par ton spectre à travers les traces blanches que laissaient sur le tapis rouge les doigts crispés de l’esclave empoisonnée…

— Encore une fois, qui t’a dit ?…

— Dieux secourables ! ayez pitié de moi !

— Puisque tu sais tout, frère, apprends donc que, pour tromper Faustine, que je hais, oh ! que je hais depuis longtemps… car cette haine remonte à trois ans… nous étions alors toutes deux à Naples… j’ai voulu, la nuit dernière, donner à Faustine un vain espoir, dont la perte lui portera un coup affreux. Alors, par sortilège, j’ai pris les traits de la magicienne de Thessalie, qu’elle avait demandée ; et ces traits, je les ai de nouveau pris cette nuit devant toi, en sortant pour accomplir d’autres charmes magiques…