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chaque jour, offraient une parure nouvelle à mes yeux enchantés. Des colliers, des bracelets, des bijoux de toutes sortes étincelants de pierreries, remplissaient mes coffrets ; des mets exquis, des vins précieux couvraient ma table, et le vieux seigneur Trymalcion se divertissait à me servir d’échanson. Voulais-je jouer ? on m’apportait des chiens de Perse gros comme le poing, des singes vêtus d’habits grotesques, de petites filles moresques de mon âge, pour me servir de poupées, ou, dans leur cage d’argent à grillage d’or, des perroquets rouges et bleus sachant déjà dire Siomara… Ces amusements m’ennuyaient-ils ? le vieux seigneur me donnait des boîtes d’onyx remplies de perles et de pierres précieuses, que j’aimais beaucoup à jeter dans la mer ; ces seuls jeux ont peut-être coûté dix milles sous d’or à Trymalcion… À notre arrivée en Italie, les magnificences qui m’attendaient m’ont fait presque prendre en pitié mes naïfs éblouissements de la galère.

Sylvest n’eut pas le courage d’interrompre sa sœur. Jamais jusqu’alors il n’avait songé à ce côté monstrueux de l’esclavage, à ces séductions infâmes, plus effroyables encore (pour une âme fière et juste) que les plus rudes labeurs et les supplices, car ceux-ci ne brisent et ne tuent que le corps…

— Quoi, — dit-il à Siomara, les yeux pleins de larmes de pitié, — quoi, malheureuse enfant, à cet âge si tendre, pas un regret pour ton père… pour ta mère… pour les tiens ? Pas un regret pour l’innocente vie de tes premières années ?

— Oh ! si… J’ai d’abord pleuré, toi, ma mère, mon père ; mais à force de pleurer, les larmes se tarissent… et puis, l’enfance est si mobile ! Et puis enfin, frère, je ne pouvais sincèrement regretter longtemps mes grosses robes de laine brune, mes épais souliers de cuir, mes coiffes de toile, nos jeux aux cailloux sur la grève, lorsque, régnant en souveraine sur la galère du vieux seigneur Trymalcion, je me voyais vêtue comme la fille d’une impératrice, et m’amusais à jeter perles et rubis dans la mer…

— Dieux miséricordieux ! — s’écria Sylvest, — soyez bénis de m’a-