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la corruption forcée que presque toujours l’esclavage impose… lorsqu’il vous prend tout enfant… et surtout j’ai songé que ton maître, qui t’avait achetée à l’âge de neuf ans, se nommait Trymalcion… C’est donc une profonde pitié que j’ai ressentie pour toi… c’est ce sentiment qui m’a conduit ici, dans ta maison… hier soir, à la tombée du jour…

— Tu es ici depuis hier soir ?… — dit Siomara en regardant son frère avec stupeur. — Cette nuit… tu l’as passée ici ?…

— Oui…

— C’est impossible !…

— Je te l’ai dit, Siomara, d’un mot tu vas décider si je dois te chérir en te plaignant, ou m’éloigner de toi avec horreur !…

— Moi… t’inspirer de l’horreur !… — reprit-elle d’un air si ingénument surpris, d’un ton de si doux reproche, que Sylvest en fut saisi. — Pourquoi, frère, aurais-tu horreur de moi ?

Et elle attacha tranquillement ses beaux grands yeux sur ceux de l’esclave… Il se sentit de plus en plus ébranlé ; ses doutes renaissant pourtant, il reprit :

— Écoute encore : hier soir j’ai frappé à ta porte ; l’eunuque m’a ouvert… je lui ai dit que j’étais ton frère…

— Tu lui as confié cela ?… — s’écria-t-elle… Puis elle sembla réfléchir.

— Il a paru inquiet et courroucé de ma révélation ; puis il m’a dit : Tu veux voir ta sœur ; tu vas la voir, viens… Et il m’a précédé dans un étroit couloir… Au bout d’un instant, il a éteint la lampe, me disant d’avancer toujours… J’ai obéi ; j’ai rencontré un mur… En même temps un gouffre s’est ouvert à mes pieds… L’eunuque m’a dit alors de ne pas bouger de là au péril de ma vie, et de regarder la muraille…

— Comment ! — reprit-elle avec autant d’étonnement que de candeur, tandis qu’un léger sourire d’incrédulité effleurait ses lèvres. —