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putaient la possession, et qui avait répondu par un dédaigneux refus aux provocations de Faustine.

Au bruit croissant de la dispute du gladiateur et de l’eunuque, une porte intérieure du vestibule s’ouvrit… Sylvest vit paraître Siomara, non plus transfigurée en hideuse sorcière, mais jeune, mais fière, mais belle ! oh ! mille fois plus belle encore que l’esclave ne l’avait vue au commencement de cette nuit maudite… Mais ce n’était pas elle… non, ce n’était pas elle qu’il avait vue… Il ne pouvait le croire. Les épais cheveux blonds de Siomara étaient retenus dans une résille à mailles d’argent ; elle portait deux tuniques ; l’une blanche et très-longue ; l’autre, bleu céleste, courte et brodée d’or et de perles, laissait son cou et ses bras nus… En revoyant sa sœur d’une beauté si brillante, si pure, Sylvest crut plus que jamais avoir fui un songe horrible pendant cette nuit… Non, non, pensait-il, une courtisane monstrueusement débauchée, une sorcière maudite, n’auraient pas ce front à la fois chaste et fier, ce doux et noble regard ; non, l’infâme eunuque a menti, les apparences mentent, mes yeux même, cette nuit, m’ont menti… Il y a là un mystère impénétrable à ma raison… Mais la Siomara que je vois là est bien ma sœur… celle de cette nuit m’était apparue sans doute par sortilège…

Ainsi pensait l’esclave, caché dans l’ombre du vestibule par l’épaisseur d’une colonne… Jusqu’alors inaperçu de la courtisane, il attendait ce qui allait advenir entre elle, l’eunuque et le gladiateur. Celui-ci avait paru perdre sa grossière audace à la vue de Siomara, qui, le regard impérieux, menaçant, la tête haute, fit un pas vers le géant.

— Quel est ce bruit dans ma maison ? — lui dit-elle durement. — Mont-Liban se croit-il ici dans une de ces tavernes où il va s’enivrer chaque nuit ?…

— Cette brute sauvage ne sait que rugir, — reprit l’eunuque. — Et, par Jupiter ! je…

— Tais-toi… — dit Siomara au vieillard en l’interrompant. Puis, s’adressant au gladiateur, elle ajouta d’un ton d’impératrice :