L’eunuque, marchant le premier, suivit un étroit corridor, et entra bientôt dans une petite chambre dont il ferma soigneusement la porte ; puis il s’assit à côté d’une table, sortit de sa robe un long poignard très-acéré, le plaça près de lui à sa portée, et s’adressant à Sylvest d’un ton bourru :
— Quelques vains mots ne me prouvent pas, à moi, que tu sois le frère de Siomara…
— J’ai d’autres preuves.
— Lesquelles ?
— J’ai sur moi une petite faucille d’or, une clochette d’airain, legs de mon père, et de plus quelques rouleaux où sont racontés divers événements de famille… Si ma sœur vous a parlé de son enfance et de nos parents, vous verrez par ces écrits que je ne mens pas, et que je suis son frère.
— À moins, chose fort possible, que tu ne sois un vagabond qui aura volé ces objets après avoir tué le vrai Sylvest.
— Il est beaucoup d’autres choses relatives à notre famille dont je suis instruit ; moi seul je peux les savoir… quand je les aurai dites à Siomara, elle reconnaîtra qui je suis…
— Approche-toi de cette fenêtre, — dit l’eunuque, car le jour baissait de plus en plus ; — ou bien, attends, reprit-il ; et prenant un briquet et de l’amadou, il alluma une lampe, et ayant, à sa clarté, examiné longtemps et attentivement l’esclave, il dit :
— Ta figure sera peut-être pour moi une meilleure preuve de ce que tu avances que ces brimborions de faucille et de clochette.
Après avoir assez longtemps examiné les traits de Sylvest, l’eunuque hocha la tête et murmura comme se parlant à lui-même :
— Une pareille ressemblance n’est pas due au hasard… La Gauloise disait vrai… on devait, dans leur enfance, les prendre l’un pour l’autre…
— Ma sœur vous a donc parlé de moi ? — reprit Sylvest à l’eunuque les larmes aux yeux. — Elle s’est peut-être souvent rappelé son frère !…