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— Maintenant retenez bien ceci ; il n’y a pas non-seulement de courtisane, mais de femme, mais de patricienne, mais d’impératrice, qui ne se puisse acheter, il faut seulement choisir l’heure et mettre le prix.

— Toute ma fortune, s’il le faut !

— C’est déjà quelque chose.

— Mon oncle est très-riche ; j’emprunterai sur son héritage.

— Cela suffira peut-être… Mais, vous le savez, ou vous devez le savoir, cher Norbiac, une femme aime toujours voir la couleur des promesses qu’on lui fait ; il y a tant de fripons, même parmi nous autres ! Je suis donc certain que, si ce drôle se présente d’abord de votre part avec une bonne cassette pleine d’or, comme simple échantillon de votre magnificence…

— Diavole, vous êtes la perle des amis ; je cours donc chez mon banquier prendre deux mille sous d’or… Mais, de cet esclave… vous répondez ?

— Il sait d’abord que je lui ferai couper les pieds et les mains s’il refusait de vous servir ; puis, comme cette race est naturellement pillarde, si vous lui confiez votre or, je ne le quitterai pas que je ne l’ai vu entrer devant moi chez la belle Gauloise.

— Ah ! mon ami, voilà de ces services… impossibles à reconnaître, — s’écria Norbiac. — Je cours chercher l’or… ma litière est en bas, et je reviens bientôt.

Et il sortit.

Sylvest, resté seul avec son maître, le regardait tout ébahi.

— À nous deux maintenant, pendard… As-tu compris mon dessein ?

— Non, seigneur.

— Quelle brute ! En vertu de ton titre de frère… tu auras accès chez la belle Gauloise.

— Peut-être, seigneur… Je ne sais si je pourrais…

— Je te fais écorcher vif si aujourd’hui tu n’es pas reçu chez elle. Est-ce clair ?