— Oui.
— Et comment t’es-tu introduit dans ce parc ?
— En passant par-dessus le mur.
— Pour tenter quelque mauvais coup, pendard ?
— Pour voir ma femme.
Et d’un regard il montra Loyse.
— Qui ? ta femme ? ta femme ! Voilà, par Hercule, un plaisant et effronté coquin avec sa femme ! Est-ce que les esclaves ont des femmes ? est-ce qu’il y a mariage entre eux ? Ta femme ? autant vaudrait entendre l’âne dire à l’ânesse : Mon épouse !… Il est heureux pour ton dos que le seigneur Diavole soit des amis de notre honorée maîtresse ; la politesse veut qu’entre nobles personnes on se réserve le châtiment des esclaves… Tu vas être reconduit chez ton maître, et j’espère qu’il te fera payer selon tes mérites… Justement, nos esclaves vont travailler aux champs près les portes d’Orange ; on va t’enchaîner jusque-là entre deux d’entre eux, et l’on te reconduira ensuite chez le seigneur Diavole.
— Il est inutile de m’enchaîner, je ne veux pas m’échapper ; je retournerai librement chez mon maître, — répondit Sylvest.
Et il disait vrai ; mais le gardien ne le crut pas, et le fit enchaîner au milieu de deux esclaves des champs, Espagnols de nation.
Au moment de se séparer de sa femme, Sylvest lui dit en langue gauloise, que les surveillants n’entendaient pas :
— À la prochaine lune, viens m’attendre près des murs du parc, à gauche du canal… Quoi qu’il arrive, et à moins que, d’ici là, je meure, je viendrai… Adieu, mon adorée femme, ma sainte ! songe à notre enfant !
— Songe à toi, — répondit Loyse ; — songe à nous, mon Sylvest !
— Assez ! assez de ce jargon barbare bon à cacher de mauvais desseins, — dit brusquement le gardien en poussant Loyse devant lui pour la reconduire à la fabrique, tandis que Sylvest regagnait la ville d’Orange sous la conduite des gardiens.
Parmi les esclaves de Faustine au milieu desquels marchait Sylvest,