Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais lui, croyant que sa femme avait été ainsi torturée, défigurée par Faustine, qu’il savait capable de tous les crimes, se releva en bondissant de fureur et s’écria en montrant le poing au temple des orgies infâmes :

— Faustine… je te tuerai !… Oui, quand je devrais être brûlé à petit feu… je t’arracherai les entrailles !…

— Sylvest, tu te trompes… ce n’est pas elle !…

— Qui donc alors t’a ainsi mutilée, défigurée ?…

— Moi…

— Toi, Loyse ! toi !… Non… non… tu veux calmer ma fureur…

— C’est moi, te dis-je !… je te le jure, mon Sylvest ! je te le jure par l’enfant que je porte dans mon sein…

— Que faire devant un pareil serment ? Croire… croire, sans le comprendre, ce douloureux mystère…

— Écoute, Sylvest, — reprit Loyse. — Nous toutes, les esclaves filandières de la fabrique, reléguées dans des bâtiments éloignés du palais de Faustine, nous ne la voyions jamais, ni ses affranchis, aussi cruels, aussi corrompus qu’elle… Ce matin, je ne sais quel funeste hasard a amené dans la filandrie l’esclave favori de notre maîtresse, un noir d’Éthiopie…

— Cette nuit, je l’ai vu.

— Il a traversé la cour au moment où j’étendais au soleil les toiles de lin tissées par nous… Il s’est arrêté devant moi, m’a regardée fixement… Ses premiers mots ont été un outrage ; j’ai pleuré… Il a ri de mes larmes, et a dit à la gardienne qui surveille nos travaux : « Tu amèneras cette esclave au palais. » La gardienne a répondu qu’elle obéirait. Le noir a ajouté que, si je refusais de me rendre de bon gré chez ma maîtresse, on m’y traînerait de force…

— Il faudra pourtant qu’il se lève terrible… oh ! terrible ! le jour de la vengeance !…

— Sylvest, je ne suis pas, tu le sais, comme la plupart de nos malheureuses compagnes, fille d’esclave, et déjà forcément corrompue