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— Quels sont ces caractères ?

— Attends un instant, — répondit la Thessalienne en examinant l’esclave, — tu vas voir.

Il régna dans le temple un silence de mort…

Tous les regards s’attachèrent alors sans crainte sur la jeune Gauloise… Elle n’implorait plus personne, et l’on devinait son sort…

Après s’être appuyée toute chancelante sur le trépied, elle parut soudain saisie de vertige, balbutia quelques mots, s’affaissa sur elle-même, roula sur le tapis, et bientôt s’y tordit en proie à des convulsions horribles ; de sorte que ses mains, tour à tour étendues et crispées par la douleur, labouraient l’étoffe rouge dont était couvert le plancher, y laissant ainsi des traces blanches avec ses doigts enduits de craie.

— Vois-tu ?… vois-tu ? — dit la magicienne à la grande dame, qui, toujours son menton dans sa main, regardait avec une curiosité tranquille son esclave se tordre et agoniser ; — vois-tu ces caractères blancs… tracés par ses doigts convulsifs ? Vois-tu qu’elle écrit !… C’est là mon grimoire, c’est là que je vais lire si la charme qui unit Mont-Liban à Siomara… sera bientôt rompu…

Les autres esclaves, habituées à de pareils spectacles, restaient impassibles devant les tortures de leur compagne ; elles auraient payé trop cher la moindre marque de commisération. Peu à peu les convulsions de la jeune Gauloise devinrent moins violentes, elle ne se débattit plus que faiblement contre la mort… Après quelques derniers tressaillements, elle expira et tout son corps se roidit d’une manière effrayante.

— Otez ce corps… il me gêne, — dit la sorcière ; — il faut que je lise maintenant les arrêts du destin tracés par cette main mourante.

Le gigantesque Éthiopien, comme s’il eût été habitué à de pareilles choses, prit le corps inanimé de la Gauloise, se dirigea vers la porte qui donnait sur le canal, et disparut.

Sylvest, de l’endroit où il était caché, entendit le bruit d’un corps