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tout son corps semblait tressaillir. — J’adore Mont-Liban ! je suis folle de lui !

— Tu n’es pas la seule…

— Je lui ai écrit… ma lettre est restée sans réponse.

— Tu n’es pas la seule…

— Peu m’importe qu’il soit aimé, — reprit impétueusement cette odieuse impudique ; — je veux savoir s’il aime ?

— S’il aime ?

— Oui… s’il aime ?

La sorcière hocha la tête, et attachant fixement ses regards sur la grande dame comme pour lire au fond de sa pensée, elle répondit :

— Faustine, tu me demandes ce que tu sais… car toute la ville d’Orange le sait…

— Explique-toi…, — répondit Faustine, dont le front d’airain pour la première fois, parut troublé ; — explique-toi !

— Lors du dernier combat du cirque, — poursuivit la sorcière, — chaque fois que Mont-Liban, vainqueur, tenait sous son pied son adversaire, avant de lui enfoncer son fer dans la gorge, est-ce qu’il ne se tournait pas avec un sauvage sourire vers certaine place de la galerie dorée, en saluant de son épée… après quoi il égorgeait délicieusement son adversaire vaincu ?

— Et qui occupait cette place ? — demanda Faustine les dents serrées de rage. — Réponds…

— Tu me demandes ce que tu sais ; car toute la ville d’Orange le sait… — reprit de nouveau la sorcière. — Ah ! tu veux ignorer qui occupait cette place ?… Je vais te l’apprendre. C’était une nouvelle courtisane venue d’Italie… belle à rendre Vénus jalouse, blonde aux yeux noirs et au teint de rose… une nymphe pour la taille… vingt-cinq à vingt-six ans au plus… et d’une telle renommée de beauté qu’on ne la nomme pas autrement que la belle Gauloise.

À mesure que la magicienne parlait, Sylvest sentait son cœur se briser, une sueur froide inonder son front. Il avait entendu parler déjà