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votre vie entière ne vous défendait pas, mon cher Jean, ces calomnies, si ridicules qu’elles semblent, pouvaient…

—… Me conduire à l’échafaud… C’est vrai, vous avez raison, car, après tout, moi, je ne suis qu’un citoyen obscur, et des calomnies encore plus ridicules que celles dont j’étais l’objet de la part de mon beau-père ont conduit Danton à l’échafaud, Danton, Dieu juste ! Danton !

— Plus grand est le renom des scélérats, — répond Billaud-Varenne d’un ton inflexible, — plus le châtiment doit être exemplaire et terrible.

— Danton, un scélérat !

— Oui, et des plus pernicieux : il voulait perdre la révolution par le modérantisme et aspirait au trône.

Jean Lebrenn contemple Billaud-Varenne avec une sorte de stupeur silencieuse ; puis croyant à peine ce qu’il vient d’entendre :

— Danton, — dites-vous, — aspirait au trône ?

— Certes.

— Lui, l’homme du 10 août, rêvait de s’intrôniser : DANTON Ier ?

— Dumouriez ne voulait-il pas devenir souverain du Brabant ?

— Et Camille ?

— Un rhéteur, un bouffon qui plaisantait des lois saintes, trois fois saintes, décrétées par le comité de salut public ; celle des suspects, entre autres.

— Et Clootz, l’un des chefs de la secte des Voyants, Clootz, qui bien avant et depuis 1789, a mis ses immenses richesses au service de la révolution !

— Clootz était l’ami et l’apôtre du genre humain ; or, la république est en guerre avec le genre humain.

— Et Hérault de Séchelles, l’émule de Lepelletier Saint-Fargeau ?

— Un indulgent : il voulait énerver la révolution et la perdre.

— Mais Hébert, Ronsin, Momoro, ne prêchaient pas l’indulgence, ceux-là… d’où vient donc que vous, terroristes, vous les avez envoyés à l’échafaud ?

— Ç’a été malgré nous, — répond froidement Billaud-Varenne ; — nous les avons longtemps disputés à Robespierre ; mais il a profité de l’un de ces jours où la Convention tremble devant lui, il a eu la tête de ces hébertistes.

— Ainsi, — poursuit Jean Lebrenn, non moins surpris qu’effrayé de l’aberration d’esprit de Billaud-Varenne, — ainsi Carrier, Fouché,