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en son nom. D’autres ultra-révolutionnaires ou terroristes, aussi athées ou matérialistes, mais de mœurs irréprochables, d’une probité rigide et d’un désintéressement tel, qu’ils abandonnaient au trésor national la totalité ou une portion de leurs appointements (dix-huit livres par jour en assignats), étaient, par conviction, ennemis de tout retour aux idées religieuses et se montraient terroristes inexorables ; Billaud-Varenne, membre du comité de salut public ; David, le grand peintre ; Amar, ex-trésorier de France et riche à millions ; Vouland, membre du comité de sûreté générale, appartenaient, entre autres, à cette fraction des hébertistes : dans leur sincère, mais exécrable aberration, ils voyaient un ennemi punissable de mort dans tout citoyen persuadé que la terreur, d’abord nécessaire, devait, ainsi que le gouvernement révolutionnaire, avoir un terme prochain : telle était la pensée de Robespierre. Non-seulement il abhorrait et réprouvait, au nom de la morale éternelle, les excès et les crimes monstrueux des Carrier, des Fouché, des Tallien, des Fréron, des Collot-d’Herbois, et autres misérables dont la dépravation égalait la férocité ; mais ces monstruosités, Robespierre les regardait avec raison comme des crimes politiques irréparables ; les ennemis de la révolution devaient la rendre solidaire de ces horreurs, tandis que, de fait, les hommes coupables de ces actes étaient des contre-révolutionnaires de la pire espèce. Ah ! s’il avait joui de cette omnipotence sur les comités qu’on lui suppose avec un inconcevable aveuglement, Robespierre n’eût pas un moment hésité à frapper ces monstres en les envoyant devant le tribunal révolutionnaire, mais il n’en est point ainsi : Robespierre, appuyé de Saint-Just et de Couthon, fait parfois, sur de certaines questions, prévaloir son opinion dans le comité de salut public ou à la Convention, mais il n’est pas de force à l’emporter sur les terroristes, dont les chefs partagent avec lui le pouvoir des comités, et qui, souvent aussi, sont appuyés par la majorité de la Convention, majorité flottante au gré de ses passions, de ses peurs, de ses rancunes, et appuyant tour à tour les terroristes, les jacobins ou les indulgents, dont Danton et Camille Desmoulins étaient les chefs ; ainsi, ces derniers ayant demandé la création d’un comité de clémence, destiné à reviser les arrêts qui renvoyaient les prévenus devant le tribunal révolutionnaire, Billaud-Varenne, dans son exaltation farouche, avait demandé la mise en accusation de Danton, et Robespierre de s’écrier avec indignation : « Que les terroristes voulaient sacrifier les meilleurs patriotes ! » La Convention, cédant cette fois à l’influence de Robespierre, refusa d’abord d’autoriser la