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quelques rejetons sans durée, sans vie, qui pourront surgir encore, et qui surgiront un jour de cette souche antique déracinée de notre sol affranchi ?… Ne voit-on pas souvent le chêne abattu par le bûcheron en hiver, bourgeonner encore au printemps ?… Qu’importe ! l’arbre ne tient plus au sol, et bientôt cette verdure avortée que produit la sève expirante se flétrit et meurt en un matin… Salut donc ! beau jour prédit par Victoria la Grande… Salut ! ô république !… radieuse est ton aurore… Ton soleil éblouissant se lève sur l’Europe… Mais les plus beaux jours n’ont-ils pas leurs orages ?… Déjà je vois ramper au loin de noires vapeurs… Qui les produit ? la fermentation des détritus du vieux monde… Ces débris des âges passés corrompent l’air une dernière fois… avant de disparaître dans le néant… Ces noires vapeurs d’abord rampantes… Je les vois monter… monter !… Voilà qu’elles obscurcissent ton aube naguère si lumineuse, si pure… ô république !… Elles montent toujours… elles s’épaississent… Oh ! quelles ténèbres !… l’on se croirait plongé dans la nuit du sépulcre, tantôt morne, silencieuse, glacée… tantôt sillonnée des éclairs de la foudre de guerre, dont les canons tonnent avec fracas… Et voilà que… peu à peu… ces ténèbres s’éclaircissent… Elles se colorent légèrement d’abord… puis la lumière les pénètre, les dore… Un rayon de flamme a lui… un rayon de ton astre éclipsé, non disparu… Ô république !… un moment dérobé aux yeux des hommes par ces nuées impures, il continue de s’élever lentement vers son zénith en planant dans l’éther… Mais voilà que les ténèbres, naguère à demi dissipées, redeviennent plus sombres encore… et, de nouveau, la nuit semble se faire… et de nouveau les tempêtes se déchaînent… Mais ton astre, ô république ! s’élève… s’élève toujours au-dessus de ces tempêtes, au-dessus de ces tonnerres… qui éclatent parmi les régions humaines… Mais ces tourmentes ne sont dans la nature que des accidents… leur terme est fixé… fixé aussi est le terme de l’éclipse qui, durant un moment, a voilé l’éternelle vérité… Ne voyez-vous pas les derniers nuages s’éloigner, s’évanouir à l’horizon inondé de clartés !… Ton astre en son plein, ô république ! déverse des torrents de lumière féconde sur le monde régénéré… Il verdoie… il fleurit… il déploie en paix ses trésors, ses richesses, ses pompes, ses merveilles au milieu de l’allégresse de ses enfants libres, égaux, affranchis à jamais du double joug du fanatisme et de la misère… et à jamais unis par la fraternelle solidarité des peuples confédérés… O Victoria la Grande… tu prophétisais la renaissance de la Gaule républicaine…