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le capitaine républicain s’écrie, au milieu d’un profond silence, car, en ce moment redoutable, toutes les respirations semblaient suspendues :

— Citoyens, attention au commandement !… tirez aux chevaux… Joue… feu !

— En avant, cuirassiers !… sabrez cette canaille ! — criait simultanément le grand-duc de Gerolstein faisant faire un bond énorme à son cheval afin de se précipiter sur le front du carré, — en avant !… hourra !

— Vive la république !! — avaient crié les volontaires en fusillant l’ennemi à bout portant. Les assaillants et les défenseurs disparaissent au milieu d’une épaisse fumée. Bientôt le vent la dissipe ; tel est l’aspect du champ de bataille. Ce qu’il faut si longuement raconter s’était passé… se passait avec la rapidité de la pensée.

Les cuirassiers du premier rang, foudroyés par la décharge du carré, étaient presque tous tombés avec leurs montures… ou avaient été culbutés sur les rangs suivants qui achevaient de gravir la pente du plateau. Cependant le grand-duc de Gerolstein, son porte-étendard, quelques-uns de ses gentilshommes et plusieurs de ses soldats, emportés par la force d’impulsion et par l’ardeur de leurs chevaux, qui, presque tous plus ou nıoins blessés, conservaient l’énergie d’un suprême effort, avaient pénétré dans l’intérieur du carré malgré la forêt de baïonnettes dont il était hérissé ; puis, foulant aux pieds, sabrant les républicains, parmi lesquels ils faisaient cette sanglante trouée, ils ne s’étaient forcément arrêtés que lorsque la plupart de leurs vaillants coursiers, épuisés par ce dernier élan, criblés de coups de baïonnette comme leurs cavaliers, les eurent entraînés dans leur chute. Le grand-duc de Gerolstein fut de ce nombre… Castillon et Duresnel avaient été, le premier, sabré à l’épaule par le vieux prince, le second, culbuté, contus, mais non blessé. Tous deux, après leur premier émoi, et lorsque les rangs, se resserrant, eurent fermé la trouée faite par l’impétuosité de l’attaque du grand-duc et de ses cavaliers, l’aperçurent dans l’intérieur du carré, engagé sous son cheval percé de coups ; le grand cordon orange que portait le prince le désignait comme un personnage. Castillon et Duresnel se précipitèrent sur lui et le firent prisonnier. Jean Lebrenn, de son côté, avait visé juste et logé sa balle dans le poitrail de la monture du colossal porte-étendard ; mais malgré cette blessure, le courageux cheval, pénétrant dans le carré à la suite du grand-duc, et, à bout de forces, était tombé expirant sous son cavalier. Celui-ci,