ses cavaliers, il s’écrie d’une voix tonnante : — Cuirassiers de Gerolstein ! j’ai l’ordre d’enlever cette batterie… nous l’enlèverons !! Pas de quartier pour les brigands qui la défendent ! Ils ont assassiné leur roi et leurs seigneurs ! Si vous êtes vainqueurs, vous recevrez ce soir double paye… et double ration de schnik… Cuirassiers, en avant… au grand trot… Trompettes, sonnez la charge… Hourra ! en avant !… hourra !
— Hourra ! en avant !… — répètent, en brandissant leurs sabres, les cavaliers électrisés par l’ardeur du prince et par la promesse d’une double paye et d’une double ration de schnik. — Hourra ! en avant !…
Les trompettes sonnent la charge. Cette pesante cavalerie prend le grand trot, formée d’abord en colonne afin d’offrir moins de surface au tir de la batterie républicaine, toujours muette jusqu’alors ; puis, à deux cents pas environ du mamelon, là où commence la pente rapide que les cuirassiers ont à gravir pour arriver aux pièces qu’ils doivent enlever, ils se développent sur deux lignes, et au commandement du grand-duc de Gerolstein, ils lancent leurs chevaux au galop en poussant des hourras prolongés, et arrivent au pied du mamelon. L’impétuosité de leur allure est alors ralentie par la roideur de la pente dont ils ont à gagner le sommet… Ils déchargent leurs mousquetons sur les servants de la batterie dont les pièces, pointées de haut en bas et muettes jusqu’à ce moment, répondent par une effroyable volée de mitraille. La compagnie de volontaires parisiens, placée en tirailleurs sur la lisière du bois et couverte par les haies du verger, vise aux chevaux et fait pleuvoir sur les assaillants une grêle de balles qui se croisent avec les feux plongeants de la compagnie postée à droite, derrière les murs de clôture de la métairie. Cette pluie de fer et de plomb ayant surtout atteint les chevaux du premier rang, ceux-ci, blessés ou tués, tombent ou se cabrent, se culbutent, se renversent sur leurs cavaliers, jettent dans la seconde ligne un tel désordre que, malgré sa force d’impulsion, elle s’arrête, hésite, recule… et le grand-duc est forcé d’ordonner un demi-tour au galop afin d’aller reformer ses escadrons hors de la portée de la mitraille et de la fusillade, puis de ramener ensuite ses cuirassiers à la charge… Ce mouvement de retraite est salué par les cris mille fois répétés de Vive la république ! poussés par les Français… La mousqueterie des cavaliers allemands, tirant de bas en haut, a passé par-dessus la tête des canonniers ; quelques-uns seulement sont blessés, les autres se hâtent de recharger leurs pièces, les volontaires s’empressent de charger leurs fusils afin de saluer pareillement la seconde attaque des