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— Je ne viens pas vous proposer de fuir aujourd’hui Paris, mais de quitter cette maison, où vous seriez infailliblement arrêté cette nuit, et avant une heure, peut-être.

— Vous en êtes certain ?

— Aussi certain qu’on peut l’être. Connaissez-vous l’abbé Rodin ?

— J’ai vu ce nom écrit dans…

— Votre légende de famille.

— Vous savez qu’elle existe ?

— Ah ! trop tard, trop tard je l’ai su. Il m’est impossible de vous apprendre en ce moment comment, il y a deux jours seulement, la découverte de quelques papiers laissés ici par mon aïeul Frantz de Gerolstein, lors de son séjour à Paris, en 1789, m’ont appris notre parenté, ainsi que celle qui nous unit à cette famille Rennepont, que la compagnie de Jésus voulait dépouiller d’un immense héritage.

— Oui, en 1832, époque à laquelle devait être ouvert le testament de Marius Rennepont, dans la maison de la rue Saint-François.

— Cependant, n’ayant pas reçu l’une de ces médailles, dont, selon la volonté du testateur, mort en 1692, devaient être pourvus les héritiers appelés au partage de la succession, vous ne vous êtes pas rendu rue Saint-François à l’époque désignée, — répond Rodolphe de Gerolstein. — Mais il ne s’agit pas maintenant de ces événements : le révérend père Rodin, que l’on a cru mort à la suite d’une violente attaque de choléra, a donné quelque signe d’existence au moment où on allait l’ensevelir ; il est revenu à la vie ; il existe aujourd’hui.

— Il doit être presque octogénaire, car il avait déjà huit à dix ans en 1792 ?

— Malgré son grand âge, il est encore alerte. Ces gens-là ont la vie dure ; j’ai donc su ce soir, par quelqu’un à qui le père Rodin a confié ce secret, les préparatifs du coup d’État.

— Mais comment l’abbé Rodin a-t-il pu savoir ?…

— Rien de plus naturel, car… — Puis, s’interrompant, Rodolphe de Gerolstein ajoute : — Je vous le répète, les moments sont comptés, vous pouvez être arrêté d’un instant à l’autre, et votre légende de famille saisie, à l’instigation de l’abbé Rodin. Il faut donc, sur l’heure, la mettre à l’abri et vous soustraire à votre arrestation. Il sera même prudent que votre fils vous accompagne.

— Mais, où fuir ?

— Dans un refuge assuré que je vous offre ; là, vous attendrez que