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Jacques ; Mahiet-l’Avocat-d’Armes, qui vit mourir Jeanne Darc, la vierge des Gaules ! Lebrenn-l’Imprimeur, dont la fille Hêna fut brûlée vive devant François Ier ; Antonicq, qui combattit intrépidement au siège de La Rochelle avec Cornélie-Miran, sa vaillante fiancée ; Lebrenn-le-Marin, l’un des héros de la révolte des vassaux de Bretagne, voulant imposer le CODE PAYSAN à leurs seigneurs et à leurs évêques sous le règne de Louis XIV ; enfin, Jean Lebrenn, notre aïeul, dont la sœur Victoria fut victime des monstruosités de Louis XV ; Jean Lebrenn, commis à la garde de Louis XVI, et qui n’a pu saluer, hélas ! la république de 1848 ! Oui, lorsque tant de personnages de notre sang, de notre race, apparaissent à ma pensée à travers les profondeurs des siècles, j’éprouve une sorte de vertige, en remontant ainsi d’âge en âge vers le berceau de notre famille, au temps de la république des Gaules.

Ces paroles de Velléda avaient été écoutées avec recueillement par les membres de la famille. M. Lebrenn rompit le premier ce religieux silence, et reprit :

— Ah ! mes enfants, si la valeur de notre légende est grande, quoiqu’elle soit sans aucun mérite littéraire, c’est que cette légende est non-seulement l’histoire de notre famille, mais elle est aussi, à bien dire, l’histoire de tous les prolétaires, de tous les bourgeois descendant de la race gauloise, conquise et asservie par les Francs, conquérants jusqu’en 1789, heure de leur complet affranchissement ; oui, la lutte des fils de Joël à travers les âges contre les fils des Neroweg, dont M. de Plouernel est le descendant, résume les luttes séculaires entre les vainqueurs et les vaincus, entre les oppresseurs et les opprimés. Elle doit, en nous donnant connaissance et conscience de ce que nos pères ont souffert pour reconquérir leur liberté, leurs droits, consacrés par la proclamation de la souveraineté du peuple, lors de l’immortelle république du 20 septembre 1792, nous rendre plus fiers et plus jaloux encore de cette souveraineté, conquise au prix de tant de larmes, de tant de misères, de tant de sang, et nous inspirer le dévouement nécessaire pour la défendre jusqu’à la mort !

Gildas, le garçon de magasin, entre en ce moment dans le salon et dit à M. Lebrenn en lui remettant une carte de visite : — Monsieur, la personne qui vous fait tenir cette carte demande à vous parler sur-le-champ pour une cause très-urgente.

M. Lebrenn prend la carte que lui remet Gildas, et lit tout haut ce nom :

— RODOLPHE DE GEROLSTEIN.