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l’histoire de notre obscure famille à travers les siècles ! Ah ! je ne puis vous dire le recueillement religieux que m’inspire la contemplation de cette nouvelle preuve de la marche éternelle du progrès de l’humanité ; ainsi nos aïeux, soumis par la conquête des Romains, puis par la conquête des Francs, au plus dur esclavage, progressèrent cependant toujours et peu à peu vers la liberté. Ainsi, d’abord, ils sont esclaves et vendus, exploités, traités comme un vil bétail humain ; puis d’esclaves, ils deviennent serfs, et de serfs vassaux. Enfin, ils revendiquent et conquièrent leur souveraineté, consacrée par l’immortelle république de 1792, et confirmée par celle de 1848. Ah ! lorsqu’on voit un tel progrès accompli à travers les siècles, comment douter de celui que nous réserve l’avenir ?

— Il est vrai, ma mère, — dit Georges Duchêne, — la connaissance du passé donne une fois sainte dans l’avenir !

— Et maintenant que cette lecture est achevée, — reprend Velléda pensive, — quelle étrange et profonde émotion l’on ressent en songeant à tous les personnages de notre antique famille, et qui viennent de nous apparaître, pour ainsi dire, vivants et sortant de la poussière des anciens âges. Hêna, la vierge de l’île de Sên ; Joël, le chef de la tribu de Karnak ; Sylvis, l’esclave romain, et sa sœur Siomara ; puis Geneviève, qui vit mettre à mort Jésus de Nazareth ; Scanwoc’h, le soldat, frère de lait de Victoria-la-Grande ; et Ronan-le-Vagre, cet intrépide révolté contre la sanglante conquête des Francs, réduisant à l’esclavage les Gaulois vaincus ; Loysik-le-Moine-Laboureur, témoin de la mort de Brunehaut ; Amaël, compagnon d’armes de Karl Martel, et commis à la garde du dernier rejeton de Clovis ; Vortigern, qui fut aimé de Téthralde, fille de Charlemagne ; Eidiol-le-Nautonier-parisien ; puis Gaëlo-le-Pirate, ancêtre du prince de Gerolstein, et l’un des compagnons d’armes de Rolf, devenu duc de Normandie et gendre du roi de France Charles-le-Sot ; Yvon-le-Forestier, témoin de la mort de Louis-le-Fainéant, dernier rejeton des Carlovingiens, et auquel succéda Hugh le Chappet, intronisant sa dynastie par l’adultère et par le meurtre ; Fergan-le-Carrier, serf des sires de Plouernel, et qui, partant pour la Palestine, assista au siège de Jérusalem ; son fils Colombaïk, l’un de ces hardis communiers de la ville de Laon, combattant contre leur seigneur l’évêque, et affranchissant les communes du joug féodal ; Karvel-le-Parfait supplicié avec sa douce femme Morise, lors de la croisade contre les Albigeois ; Mazureck-l’Aignelet, époux d’Aveline-qui-jamais-n’a-menti, fille de Guillaume Caillet, le chef immortel des