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encore la durée du temps consacré à ces auditions quotidiennes. L’on ne s’étonnera donc pas de ce que, commencée en septembre 1849, elles ne s’achevèrent qu’à la fin de novembre 1851.

Il serait superflu de remémorer au lecteur les événements politiques survenus durant ces trois années. Ils sont présents à tous les esprits.

Donc, ce soir-là, du dimanche 1er décembre 1851, la famille Lebrenn réunie dans le modeste salon de l’entre-sol dépendant du magasin, venait d’entendre la fin de la légende du Sabre d’honneur, légué par Jean Lebrenn, et terminée par ces paroles prophétiques : « Donc, patience, persévérance, courage et certitude, fils de Joël, quelles que soient les épreuves qui vous sont encore réservées… ayez une foi inébranlable dans l’avènement de la démocratie universelle. »

— Ah ! — dit Sacrovir, en déposant le manuscrit sur la table, — de combien il s’en est peu fallu, en 1848, que la prophétie de Victoria s’accomplît… Partout les trônes chancelaient : Révolution à Naples, à Vienne, à Berlin, à Milan, à Rome ; l’Italie en feu, la Confédération germanique voulant décréter la fédération républicaine à la diète de Francfort ; révolution à Francfort, la Hongrie soulevée, la Pologne et l’Espagne frémissantes ; l’Europe entière, enfin, révolutionnée, sauf la Russie. Et que pouvait son autocrate contre tous les peuples confédérés et ligués contre lui dans une sainte alliance, trois fois sainte, celle-là ; oui, un pas encore, et notre génération saluait les États Unis de l’Europe… Mais, hélas ! ce mouvement sublime a avorté. Se reproduira-t-il de longtemps ?

— Eh ! qu’importe, mes enfants, que nous assistions ou non à l’aurore de ce beau jour, si nous avons la certitude que sa féconde lumière brillera bientôt sur le monde régénéré ! La déception même de 1848 est un gage assuré de l’accomplissement de la prophétie de notre aïeule Victoria. La croyez-vous donc éteinte, cette lave révolutionnaire qui, en 1848, a fait irruption sur tant de points en Europe ? Non ! non ! quelles que soient les apparences, quelle que soit la compression, l’idée révolutionnaire couve à cette heure sous le sol ; elle s’étend et gagne en profondeur par mille rameaux souterrains ; tôt ou tard, plus tôt que plus tard, l’on verra soudain sa dernière et irrésistible explosion et, sur les débris du vieux monde, s’établir la société nouvelle !

— Comment douter de ce grand avènement, mes enfants, — reprend madame Lebrenn, — à cette heure où nous venons d’achever d’entendre