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jours, pansé avec un dévouement fraternel les blessures de nos camarades !!! (Avec émotion.) Me croire capable de… vous reprocher… Ah !… ce n’est pas bien… à vous, monsieur Lebrenn ; non, ce n’est pas bien à vous !

JEAN LEBRENN, prenant et serrant la main de l’ouvrier. — Bon et digne cœur ! pardon… pardon ; mais j’avais besoin de cette assurance de votre part, en songeant aux résultats de cette révolution, pour laquelle vos camarades sont morts, pour laquelle vous avez versé votre sang…

L’OUVRIER, avec un enthousiasme croissant. — Est-ce qu’il ne nous reste pas du moins la gloire de nous dire que nous avons chassé Charles X, qui voulait nous asservir, et que nous nous sommes battus pendant trois jours contre une armée que nous avons vaincue ! et que tout cela, nous l’avons fait… pour l’honneur… Est-ce que ce n’est rien ça, monsieur Lebrenn ? Est-ce qu’en pensant à cela, je ne sens pas pour ma part, là, dans l’âme, quelque chose dont je suis fier ? Et puis, enfin, est-ce que, comme vous nous le disiez l’autre jour, si nous n’avons pas cette fois la république, qui seule peut nous rendre nos droits et nous affranchir, nous ne savons pas maintenant de quelle manière on s’y prend pour chasser les rois et battre leur armée ?… Nous avons bien chassé l’ancien, pourquoi donc ne chasserions-nous pas le nouveau quand le moment sera venu, et alors nous ne nous laisserons pas cette fois filouter la république.

JEAN LEBRENN. — Oui, le moment viendra, mes amis, car aujourd’hui des députés élus, non par l’universalité des citoyens, mais par une faible partie représentant le privilège de l’écu, ont, sans mandat constituant, décidé de la forme du gouvernement de la France ; ils ont offert la couronne à Louis-Philippe, usurpation flagrante de la souveraineté du peuple une, indivisible et inaliénable. À l’usurpation, nous répondrons par une conspiration permanente jusqu’au jour de la nouvelle révolution où sera proclamé le gouvernement républicain, seul compatible avec la souveraineté populaire, seul capable d’affranchir matériellement et moralement les prolétaires.

L’OUVRIER. — Ce jour-là, monsieur Lebrenn, nous nous lèverons en armes du cri de vive la république !

TOUS. — Oui, vive la république !

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Moi, Jean Lebrenn, j’ai écrit ce récit le 27 décembre 1830, la