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de décider de la forme de son gouvernement ; — que ce gouvernement ne pouvait être que le gouvernement républicain, la souveraineté du peuple étant une, indivisible et inaliénable ; — que jusqu’à ce que le peuple se fût prononcé, toute délégation d’autorité souveraine devenait une usurpation contre laquelle nous protestons et protesterions, s’il le fallait, par les armes. » — Bastide fut chargé de porter cette adresse à l’Hôtel de Ville. Charles Teste, Guinard, Hingray, Trélat et moi nous l’accompagnions. À mesure que nous avancions dans les quartiers populeux où s’était répandu le bruit que le duc d’Orléans devait être proclamé roi, l’indignation éclatait. — « Plus de roi ! pas plus d’Orléans que d’autres ! Les barricades sont encore debout, nous y retournons ; l’on nous donne un roi ! » — criait-on sur notre passage. — Nous parvenons à l’Hôtel de Ville ; il nous est d’abord impossible d’être introduits auprès de La Fayette. La commission municipale et son entourage le chambraient ; nous insistons tellement qu’enfin l’on nous présente au général ; il nous accueille avec le plus aimable sourire, prend connaissance de notre protestation, l’approuve fort, est d’accord avec nous que le peuple en principe, a seul le droit de décider de la forme de son gouvernement, qui ne saurait être que le gouvernement républicain ; il nous fait un pompeux éloge des États-Unis, nous rappelle avec complaisance qu’il a, dans sa jeunesse, concouru à la fondation de cette puissante république, nous croyons un instant qu’il se ravise et qu’il va conclure contre la royauté orléaniste. Mais, point.

MARIK. — Que conclut-il donc ?

JEAN LEBRENN. — Il conclut qu’il est accablé de fatigue, qu’il a besoin de repos, et nous quitte en nous adressant mille excuses avec sa courtoisie de grand seigneur… absolument ainsi que je l’ai vu, il y a quarante ans et plus, à cette fameuse séance du club des jacobins où, invité à se rendre et sommé énergiquement par Danton d’expliquer sa conduite comme général en chef de la garde nationale, lors de la fuite de Capet à Varennes, La Fayette n’expliqua rien du tout, combla les jacobins d’éloges sur leur patriotisme, puis les salua avec la politesse exquise d’un courtisan, quitta prestement le club et les laissa ébahis…

MARIK. — Ah ! maudit soit cet homme, il est fatal !

JEAN LEBRENN. — Nous sortions atterrés de cet entretien, lorsque Audry de Puyraveau, remettant à Guinard une feuille de papier sur laquelle il avait écrit quelques lignes à la hâte… lui dit : — Tenez, voilà le vrai programme de la révolution… Tâchez de lire cela à la