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tête, » — répond La Fayette. Aussitôt Charras descend annoncer cette haute paye à ses hommes. — Nous ne nous battons pas pour de l’argent ! Faites-nous donner un morceau de pain et un verre de vin ! — s’écrient ces patriotes.

HÉNORY. — Nobles cœurs ! Et c’est contre eux que la garde nationale s’armait pour défendre ses boutiques !

MARIK. — Et c’est pour donner une couronne à ce d’Orléans qu’ils ont versé leur sang !

JEAN LEBRENN. — Le plus grand coupable est La Fayette ; j’ai rencontré à l’Hôtel de Ville Pierre Leroux après son entretien avec le général, qu’il avait en vain supplié de déjouer l’intrigue orléaniste, en marchant résolument dans la voie républicaine. — « Impossible de tirer de lui une parole décisive, — me dit Pierre Leroux, désolé de l’inutilité de cet entretien ; — mais à travers le vague de ses paroles, il est facile de voir que son parti est pris ; il n’y a plus à compter sur lui. Ne comptons que sur nous. Allons rejoindre chez Lointier nos amis ; nous aviserons. » — Nous arrivons chez Lointier, où je vous ai retrouvé, mon cher Martin, ainsi que nos amis Godefroy Cavaignac, Guinard, Trélat, Hingray, Bûchez et autres encore en armes. Chevalier présidait la réunion. L’exaspération contre les orléanistes était à son comble, lorsque deux envoyés de ce parti, MM. Combes-Sieyès et Larréguy, demandent à être introduits parmi nous, afin de nous soumettre une proposition. Chevalier y consent, leur accorde la parole, et ils entreprennent de nous persuader que rien n’était plus opportun que de déférer la royauté au duc d’Orléans.

DURESNEL. — Il est impossible de vous peindre, mon cher Marik, la tempête que cette étrange affirmation souleva parmi des hommes encore dans l’effervescence du combat !

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — J’arrivais au moment où deux de nos amis, exaspérés contre ces ambassadeurs orléanistes, les couchaient en joue par un mouvement de fureur machinale, non pour les fusiller, bien entendu.

MARTIN. — Ce seul fait vous donne à penser, cher Marik, quel était l’esprit de la réunion. On alla même jusqu’à accuser Chevalier de trahison, parce qu’il avait autorisé ces orléanistes à prendre la parole.

JEAN LEBRENN. — Une protestation fut à l’instant votée et rédigée. L’on y déclarait : — « Que pendant les trois jours le peuple avait, au prix de son sang, reconquis sa souveraineté ; — que son droit était