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d’Odilon Barrot : « Mes amis, voilà la meilleure des républiques, » tout espoir est perdu ; car encore une fois, La Fayette, par son immense popularité, pouvait seul, en acceptant la présidence, fonder aujourd’hui le gouvernement républicain.

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Votre père a cent fois raison, mon cher Marik ; notre parti compte des hommes dévoués, pleins de foi, d’intelligence, d’énergie, de patriotisme ; ils l’ont vaillamment prouvé depuis trois jours ; mais aucun deux n’a un nom, et en temps de révolution, pour fonder un gouvernement, il faut presque toujours un nom ; or, La Fayette en possédait un, et à défaut de lui, le duc d’Orléans, ayant aussi, lui, un nom, son succès s’explique.

MARIK. — Cela est fatal, mais juste !

JEAN LEBRENN. — Voici en deux mots, cher fils, ce qui s’est passé : La majorité des 221, personnifiée dans Casimir Périer, Dupin, Sébastiani, Guizot et autres, a été épouvantée lorsqu’elle a vu l’insurrection devenir formidable dès le 28 : car, si elle était vaincue, les 221 seraient regardés comme ses instigateurs, et victorieuse, elle pouvait amener la république. Ils ont donc déclaré dans leurs réunions particulières qu’ils regardaient toujours Charles X comme leur roi légitime, et que s’il révoquait les ordonnances et changeait son ministère, il fallait à tout prix conserver la branche aînée ; aussi, pénétrés de cette pensée, se sont-ils rendus, le 28, auprès du maréchal Marmont, afin de le supplier de faire cesser le feu, déclarant que si les ordonnances étaient rapportées, Paris rentrerait dans le devoir.

MARIK. — Et au nom de qui parlaient-ils ces couards ?

DURESNEL. — Parbleu ! ils parlaient au nom de leur peur !

JEAN LEBRENN. — Absolument ; mais le prince de Polignac, aussi têtu que Charles X, et plein de confiance dans l’armée, ne voulut, ni le 27 ni le 28, entendre aucune proposition.

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Un aide-de-camp de Marmont m’a, ce matin, rapporté ce mot incroyable de M. de Polignac. Le maréchal avait envoyé, le 29, cet officier prévenir cet étrange premier ministre qu’un régiment fraternisait avec le peuple, que les troupes étaient harassées, rebutées, et qu’il fallait à tout prix faire des concessions, sinon la royauté était perdue. — « Si les troupes manquent à leur devoir, — dit M. de Polignac, avec un sang-froid imperturbable, — que l’on tire sur elles comme sur le peuple. » — Qui ça ? on, prince ? — demanda l’officier ébahi. — Les fidèles serviteurs du roi, » — répond M. de Polignac en tournant le dos à l’aide-de-camp.