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hommes répond : — « Il y a un grainetier à vingt pas d’ici. — En ce cas, que dix hommes de bonne volonté courent chercher vingt bottes de paille ; nous mettrons le feu à la porte de la caserne ; nous y entrerons à la baïonnette, et nous l’enlèverons au cri de : Vive la république ! C’est bien simple, vous allez voir. »

MARTIN. — L’idée était excellente.

DURESNEL. — Et ses résultats furent non moins excellents. La porte embrasée céda, et un quart d’heure après, la caserne de Babylone était en notre pouvoir. Nous sommes allés ensuite à l’attaque du marché des Innocents, où j’ai reçu un coup de baïonnette, ce qui m’a empêché d’assister à l’attaque du Louvre et des Tuileries, car durant les premières heures ma blessure m’a fait cruellement souffrir. Mais vous étiez, je crois, mon cher Martin, à la prise du Louvre ?

MARTIN. — Oui, et cette dernière affaire a complété le triomphe de l’insurrection. (À Marik) Je vais en deux mots vous raconter l’attaque du Louvre et des Tuileries, mon ami, et de la sorte, vous connaîtrez les faits les plus importants de ces trois grandes journées. Lorsque je suis arrivé près du Louvre, déjà des masses d’insurgés débouchaient de toutes les ruelles qui avoisinent l’église de Saint-Germain l’Auxerrois, et se préparaient à l’attaque. Les Suisses, postés sous la colonnade, ouvrent un feu plongeant et meurtrier ; nous y répondons vigoureusement ; mais nous éprouvions déjà des pertes considérables, lorsque, soudain, nous voyons, au milieu de cet engagement, qui durait à peine depuis dix minutes, les Suisses abandonner précipitamment l’avantageuse position qu’ils occupaient.

MARIK. — Quoi ! sitôt battre en retraite ! Les Suisses sont pourtant de vaillants soldats.

MARTIN. — Sans doute, mais voici ce qui s’est passé : le maréchal Marmont, apprenant qu’un régiment posté place Vendôme fraternisait avec le peuple, et craignant la contagion de l’exemple, avait donné l’ordre au colonel de Salis, commandant les Suisses, de lui envoyer à l’instant un bataillon, afin de remplacer le régiment défectionnaire.

MARIK. — Défection que Marmont ne craignait pas de la part de soldats étrangers.

MARTIN. — Telle était en effet la cause de cet ordre ; mais M. de Salis, voulant opposer aux assaillants du Louvre un bataillon de troupes fraîches et envoyer à Marmont celui qui défendait la colonnade et avait déjà souffert, commit la faute de déplacer d’abord ce