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écharpe son bras blessé. À son aspect, Hénory se lève, et allant vivement à sa rencontre, lui dit tout bas : — Marik va mieux ; il a repris toute sa connaissance ; mais, de crainte de l’affliger, ne lui parlez ni de Castillon, ni de Duchemin ; ne dites non plus rien à Marik du triomphe malheureusement probable des orléanistes.

DURESNEL, bas. — Soyez tranquille, madame Hénory.

MARIK, souriant. — Je suis certain que ma femme vous engage à ne pas me donner des nouvelles politiques, monsieur Duresnel ?

DURESNEL. — Je serais fort empêché de vous en donner, mon cher Marik, car je sors de chez moi.

MARIK. — Et votre blessure ?

DURESNEL. — N’en parlons plus ; c’est une misère : un coup de baïonnette dans le bras.

MARIK. — Et à quel poste avez-vous été blessé ?

DURESNEL. — À l’une des attaques du marché des Innocents, où j’ai rencontré le général Olivier, qui se battait comme un lion ; je revenais de la prise de la caserne de la rue de Babylone.

MARTIN. — Il paraît que ç’a été fièrement chaud ?

DURESNEL. — Ma foi, mon cher Martin, sauf notre engagement d’avant-poste devant Landau, en 1792, et la charge des cuirassiers de Gerolstein à la bataille de Wissembourg, je ne me suis jamais trouvé à pareille fête ; et d’honneur, cette fois, ma peur d’avoir peur a été un moment justifiée.

MARIK. — Allons, vous vous vantez, monsieur Duresnel ?

DURESNEL. — Non, parbleu pas ! Il y a eu un moment où j’ai, comme tant d’autres, parfaitement bien pris, comme on dit, mes jambes à mon cou ; mais ce jeune et brave Charras nous a ralliés après cette panique, et en somme, la caserne de Babylone nous est restée ; mais elle a coûté cher à enlever. Je ne comprends pas comment je me suis tiré de là sans une égratignure. Mais ce qu’il y a de plus surprenant encore, c’est que ce jeune Charras, qui nous commandait et s’est exposé vingt fois avec une incroyable témérité, n’a pas été blessé. Voici, du reste, ce qui s’est passé là. Mon récit ne sera pas long, quoique le temps de l’action m’ait paru durer terriblement. Je me trouvais séparé de nos amis, lorsque je vois passer une colonne de trois cents hommes environ, tambour en tête, et commandée par plusieurs élèves de l’École polytechnique, et criant : — À Babylone ! à Babylone ! — Je me dis : Autant aller à Babylone qu’ailleurs, et je me joins à la colonne. Nous arrivons en vue de la caserne. Une longue avenue, plantée de gros arbres, y conduisait. gauche