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Capet n’auraient pas été trop magnifiques pour charroyer Carmagnole !… La voir traînassée par des haridelles qui feraient rougir des coucous de Saint-Denis ! — Et Duchemin tombant à coups de plat de sabre sur l’animai rétif, s’écria :

— Brigand de mulet ! il rue pour le compte de Pitt et Cobourg, c’est sûr… Gredin de charretier !! ne savoir pas seulement conduire ton porteur ! Est-ce que tu as peur de lui ?… Tape donc dessus, sinon je tape sur toi !

— Las, mon Dieu ! il n’y a point plus maligne bête au monde ! — répond le charretier d’un ton lamentable, parvenant cependant à vaincre à force de coups de fouet la résistance du mulet. — On dirait qu’il devine qu’on va ouvrir le feu… il flaire la poudre, da ! et il renâcle !

— Et tu fais comme ton mulet… triple poltron !

— Écoutez donc, canonnier… Je suis roulier de mon état… et que non point soldat… moi ! Il y a déjà bien assez de danger, mon Dieu ! à amener vos pièces pour cracher leur feu… Aussi, de peur des éclaboussures, je vas joliment me cacher sous le ventre à mes bêtes quand elles seront dételées.

Enfin l’attelage a fait demi-tour, Duchemin et ses huit servants ont sauté à bas de leurs chevaux confiés à deux canonniers chargés de les tenir en main. La cheville ouvrière qui relie l’affût à l’avant-train est enlevée ; la pièce se trouve ainsi en batterie sur ses deux roues et séparée de l’avant-train, où est fixé le caisson contenant les gargousses. Les charretiers s’empressent d’aller, au galop de leurs chevaux, se mettre à l’abri des bâtiments de la métairie, distante d’une cinquantaine de pas du mamelon, où sont bientôt établies les six bouches à feu. Les officiers commandant l’escadron de hussards et les deux compagnies d’infanterie de garde à la batterie profitent aussi de la disposition des lieux, afin de garantir autant que possible leurs soldats lors du moment prochain sans doute où une batterie autrichienne répondra au feu de la batterie républicaine. L’une des compagnies de volontaires parisiens, masquée par la lisière du bouquet de bois, par les arbres et par les haies du verger, est placée de façon à pouvoir tirailler à couvert dans le cas où l’ennemi tenterait d’enlever la batterie. L’autre compagnie est abritée par une muraille de pierres sèches, clôturant la cour de la ferme, et par ses bâtiments derrière lesquels s’étaient déjà rendus les attelages de l’artillerie et l’escadron de hussards rangé en bataille.

Le hasard de la guerre réunissait parmi les défenseurs de la batterie