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MADAME LEBRENN. — Nous avons, mon ami, de notre mieux accompli notre devoir. Mais voici ce qui s’est passé après que tu as été blessé. Cette compagnie d’infanterie de ligne qui, débouchant du boulevard par la rue Saint-Denis, attaquait notre barricade, a dû se retirer après un combat opiniâtre où elle a été à moitié détruite. Des femmes, des enfants, des vieillards faisaient pleuvoir, des fenêtres ou du haut des toits, sur la tête des soldats, des pavés, des meubles et jusqu’à des ustensiles de ménage. L’acharnement était incroyable, héroïque ! Faibles et forts prenaient part à la lutte. La barricade a été renforcée, tandis qu’on en élevait d’autres en remontant vers le marché des Innocents, afin d’intercepter la communication des troupes ; un demi-bataillon de la garde royale est revenu par le boulevard à l’assaut de notre barricade. Cette fois, malgré la résistance désespérée des nôtres, elle a été enlevée.

MARIK. — Et mon père ? et nos amis ?

MADAME LEBRENN. — Ils se sont repliés, toujours combattant, vers les autres barricades élevées dans la rue Saint-Denis, où la bataille a continué durant une partie de la journée ; mais le soir, ton père est revenu sans blessure, Dieu merci ! nous apprendre qu’un bataillon de la garde était bloqué dans le marché des Innocents, l’Hôtel de Ville au pouvoir de l’insurrection, et notre rue si fortement barricadée dans toute son étendue, qu’il était impossible aux troupes de tenter une nouvelle attaque de ce côté. En effet, depuis le 28 au soir, pas un coup de fusil n’a été tiré dans notre rue ; ton père nous a donné de bonnes nouvelles de nos amis ; M. Duresnel n’avait pas encore été blessé ; ton père a pris quelques heures de repos, et au point du jour, il nous a quittées. Les troupes, refoulées sur tous les points, étaient alors concentrées au Louvre et aux Tuileries, points qui devaient être attaqués le 29. Je ne te parle pas, mon ami, des mille épisodes de la guerre dans les différents quartiers de Paris. Ceux de nos amis qui en ont été témoins te les raconteront, car après être restés ensemble une partie de la journée du 27, ils se sont trouvés séparés par les chances de la bataille.

MARIK. — Enfin, la victoire reste au peuple ; mais à qui profitera-t-elle ? Le parti républicain, parti d’action par excellence, a dû prendre la plus glorieuse part au combat ; quelle est maintenant la situation politique des nôtres ?

MADAME LEBRENN. — Mon ami, je ne sais.

MARIK. — Ne me cache rien, ma mère ; les Bourbons sont chassés,