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L’OUVRIER. — C’est différent ; ça vous donne doublement du cœur au ventre de savoir qu’en se battant, en mettant à la porte Charles X et Polignac, nous obtiendrons les droits qui nous permettront de choisir des représentants qui feront la loi en notre faveur. Vite aux barricades alors.

LES DEUX AUTRES OUVRIERS. — Oui, oui, aux barricades !

JEAN LEBRENN. — Un moment, mes enfants, pas de fausses espérances ; je ne veux pas vous tromper ; je ne dis pas qu’en vous battant aujourd’hui vous soyez certains de reconquérir ces droits ; je dis qu’il est possible que vous les obteniez, si le seul gouvernement capable de vous les assurer est proclamé après la chute des Bourbons.

L’OUVRIER. — Et ce gouvernement ?…

JEAN LEBRENN. — C’est la république, mes enfants ; mais elle a pour ennemis tous les nôtres, et ils sont nombreux, et plus fins, plus habiles encore que nombreux ; donc, je ne vous le cache pas, le succès, cette fois, est incertain, douteux même.

L’OUVRIER. — Que voulez-vous, monsieur Lebrenn ? qui ne risque rien n’a rien. Si l’on perd la première partie, on joue la belle.

LES DEUX AUTRES OUVRIERS. — Et puis enfin, maintenant nous saurons au moins pourquoi nous nous battons, tandis que nous battre pour la charte, que le diable me brûle si nous y comprenions quelque chose !

JEAN LEBRENN. — En résumé, mes enfants, je vous le dis en toute sincérité, il est possible, quoique douteux, que nous conquérions cette fois la république, qui peut seule vous affranchir moralement et matériellement, en vous rendant l’exercice de votre souveraineté. Cet espoir, quoique incertain, est déjà un motif suffisant pour prendre les armes ; car, vous l’avez dit : qui ne risque rien n’a rien ; mais ce qui est certain, ce dont vous ne pouvez douter, c’est qu’en chassant Charles X, parjure à la charte qu’il a jurée, non-seulement vous accomplirez un grand acte civique ; mais, quel que soit le gouvernement qui succède à celui que nous aurons renversé, il nous acheminera vers la république. Ces autres motifs sont donc encore en faveur de l’insurrection. Voilà, mes enfants, la vérité. Mes amis ici présents, tous comme moi vieux patriotes de notre première révolution, sont de mon avis et, comme moi, prêts à partager vos périls, et ils sont grands. Maintenant, mes enfants, décidez.

LES OUVRIERS, avec enthousiasme. — Aux barricades, monsieur Lebrenn ! aux barricades ! À bas Charles X ! À bas Polignac !